MerveilleuseChiang-Mai

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WAT DES ENFERS (Le) (Temple of Hell)

 

WAT DES ENFERS (Le) (Temple of Hell)

 

Mise au point : En fait le Wat des Enfers ne porte pas ce nom. Mais je ne l’ai pas baptisé ainsi sans raison. Car c’est un Wat qui, au sein d’un parc, présente nombre de scènes infernales dans le dessein de mettre en garde tous ceux qui prennent bonheur à jouir des plaisirs de la vie avec excès et s’écartent ainsi de la voie prônée par Bouddha.

Comme ce Wat n’est pas très connu il lui fallait une dénomination qui intrigue le lecteur pour que ce dernier veuille bien en savoir un plus ?!...

 

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                       Quelques supplices propres aux enfers bouddhiques.

 

Photo 1 : ‘’Un homme adultère condamné à grimper tout en haut d’un kapokier‘’ Cette illustration est extraite d’un livre pliant (samut khoï) Thaï datant de 1849.

Photo 2 : ‘’Arrivée aux enfers – et supplice du chaudron‘’. Cette peinture murale a été photographiée au Wat Anu Khetaram Na Noï de Khon Kaen (วัดอนุเขตตารามนาน้อย) (Photo du 18.02.2016)   

Photo 3 : ‘’Le supplice du chaudron‘’ une représentation en trois dimensions du jardin des enfers du Wat Mae Kaet Noi de San Saï (Photo du 16.04.2018)

Photo 4 : Un itinéraire, depuis la porte Chang-Phuak, pour se rendre au Wat Mae Kaet Noi de San Saï.

Non loin de Chiang-Mai il existe trois jardins des enfers :

1/ Le Wat Mae Takhrai (วัดแม่ตะไคร้) à 127 Kilomètres de Chiang-Mai.

2/ Le Wat Mae It ou Mae Ead (วัดแม่อีด) à 78 kilomètres de Chiang-Mai.

3/ Le Wat Mae Kaet Noi (วัดแม่แก้ดน้อย) à 13 Kilomètres de Chiang-Mai.

C’est du troisième dont il sera question dans cette chronique.

Mais il sera dit quelques mots des deux premiers en fin de chronique.

 

             WAT SI DON CHAI PA TUNG NGAM : (วัดศรีดอนชัย ป่าตึงงาม)

                                                   ou

                             WAT MAE KAET NOI. (วัดแม่แก้ดน้อย)

 

Adresse : 287, Route 1001 – Tambon Pa Phai – Amphoe San Sai

                             Chang Wat Chiang-Mai 50210.

                                                     ou

287, mou 5, Ban Mae Kaet Noi – Thanon Chiang-Mai/Phrao – Tambon Pa Phai Amphoe San sai – Chang Wat Chiang-Mai 502310.

 

Nota : Le Wat ne manque pas d’entrées. Cependant pour stationner sans problème, mieux vaut se conformer aux adresses ci-dessus.

 

Trajet pour vous y rendre :

1/ Prendre la route 118 en direction de Doï Saket et Chiang-rai.

2/ Après environ 4 kilomètres, sur votre droite prenez la route 1367.

      (A cette bifurcation se trouve l’université de Maejo)

3/ Après environ 3 kilomètres vous verrez le temple sur votre droite.

(Un peu avant sur votre gauche il y a les installations OTOP.)

Téléphone : 053 - 492970

Intérêt :

 

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Photo 1 : L’écriteaux en bord de route signalant la localisation du Wat Mae Noï (วัดแม่แก้ดน้อย) (Photo du 02.06.2018).

Photo 2 : le plan du Wat Mae Kaet Noi.

Photo 3 : Le supérieur du Wat Mae Kaet Noi - Phra Kru Vishan Jalikon (พระครู วิสาล จริยคุณ) et concepteur du jardin des enfers (Photo du 15.07.2018)

 

Il y a encore quelques années, le Wat Mae Kaet Noi était un Wat parmi tant d’autres. Un petit Wat de banlieue perdu au milieu d’une grande forêt et de quelques prairies. Puis les feux des projecteurs se sont braqués sur lui parce qu’un parc d’exposition ‘’exhibant‘’ des scènes infernales avait été créé en son sein ! .... C’était alors un énième jardin des enfers qui venait d’ouvrir ses portes.

 

L’histoire de ce Wat commence voilà bien longtemps. En 1684, le 15 février 1088 (*) plus précisément, un certain Kruba Nanthasen (ครูบานันทเสน) à la tête d’un groupe de moines originaires du Wat Mae Kaet Lao (ว้ดแม่แก้ดหลาว) (**), est venu prendre possession des lieux pour y créer un Wat qui, aujourd’hui porte le nom de Wat Mae Kaet Noi.

 

Non loin de là, vivaient quelques familles qu’abritaient une trentaine d’habitats, et qui de fait allaient subvenir aux besoins des religieux par le biais des dons. Dans le bouddhisme, les laïcs font des dons aux moines, et reçoivent en retour des mérites qui atténueront leurs peines lorsqu’ils se présenteront devant le roi des enfers ; un roi dont la charge est de juger tout un chacun. Le rôle des moines consiste aussi à célébrer diverses protections et à bénir nombre d’événements familiaux.

Puis en raison de l’occupation Birmane qui avait fait du Lanna une espèce de réserve pour entretenir les armées birmanes au point de tarir cette réserve en hommes et en produits de consommation tel que le riz, il faudra attendre la fin du XVIIIe, et le début du XIXe siècle, pour que ce Wat et son Chédi retrouvent une nouvelle jeunesse et refasse parler de lui.

 

(*) A l’époque, le Lanna se référait à Lune pour établir son calendrier. Cette année de 1088 correspondrait, selon les Chroniques de Chiang-Mai à l’année grégorienne de 1726, et à celle de 1684 pour les chroniques du Yonok ; ce qui fait une différence de 42 ans entre les dates de ces deux textes ?! …. Et ce qui constitue un détail de datation relativement courant au Lanna ?!...

Personnellement j’opterai pour l’année 1726, voire 1728. (a) Car le Wat Mae Kaet Noi est à la croisée des routes conduisant à Chiang-Mai, mais aussi et surtout menant à Phrao, Chiang-Rai et … Chiang-Saen. Autrement écrit, ce Wat était à l’époque, militairement, à un endroit stratégique.

(a)  Page 136 des chroniques de Chiang-Mai au sujet de la construction du Wat Chédi Luang il est donné l’année 838. Camille Notton, le traducteur, fait correspondre l’an 838 avec l’an 1475 de notre ère. Entre les deux dates il y a : 1475 - 837 = 638 ans de différence. Si j’additionne ces 638 ans au 1088 j’obtiens la date de : 1088 + 638 = 1726 ?!... David K.Wyatt, un autre traducteur donne 1726/1727 ?!...

En ce temps-là, la mésentente entre princes Birmans, dû à un changement de dynastie, fragilisait leur autorité ; en Birmanie d’abord, mais surtout au sein des royaumes que leurs troupes occupaient. Mettant à profit cette situation un moine Charismatique venant de Mae Sariang, un Phumi Boum nommé ‘’Thep Sing‘’, chassa de Chiang-Mai le gouverneur birman, Mang Raena. Ce dernier ira se réfugier, prenant les jambes à son cou, à Phayao.

 

L’intransigeance et l’ayatollisme de ce moine firent que ceux qui l’avaient intronisé le destituèrent pour mettre à sa place en 1728, un certain ‘’Chao Ong Nok‘’ ex-roi de Luang Prabang et descendant d’une lignée royale de Chiang-Run. Ce roi, Chao Ong Kham (เจ้าองค์คำ) va régner 32 ans, de 1728 à 1759, et, non seulement il repoussera le général Birman Po Phaya Sakhaeng venu … le punir, mais ira jusqu’à Phayao livrer combat à Mang Raena qui, cette fois, s’enfuira, sans tambour ni trompette, à … Chiang-Saen ! …

Autrement écrit, le Lanna se trouvait alors coupé en deux. Il y avait au Nord une aire sous commandement Birman avec Chiang-Saen comme centre vital et au Sud une aire autonome autour de Chiang-Mai y compris Lamphun et Lampang dont il fallait surveiller les abords pour intercepter d’éventuelles troupes birmanes. Or le Wat Mae Kaet Noi semble tout à fait indiqué pour remplir cette fonction, d’où ma préférence pour 1726, voire 1728. Mais ce n’est qu’une déduction tout à fait personnelle.

 

(**) Les textes Thaïs parlent d’un Wat Mae Kaet Lao (ว้ดแม่แก้ดหลาว). Le mot Lao (หลาว) a le sens de dard, de lance, de javeline et d’épieu, ce qui pourrait signifier qu’il aurait existé le Wat d’épieux de la rivière Kaet, autrement dit, un Wat servant de place forte près de la rivière d’où les moines (guerriers ? ...) auraient été déplacés pour peupler le Wat Mae Kaet Noi ?!... Ces quelques lignes, là encore, ne sont qu’une hypothèse !...

 

Les Birmans seront officiellement chassés de Chiang-Mai et de sa région en 1774, mais pendant une trentaine d’années ils vont tenter de réoccuper le Lanna. Un Lanna qui se relevait péniblement de ses cendres car au dépeuplement sans précédent dû aux nombreux enrôlements imposés par les armées d’occupation, aux départs des familles cherchant à échapper à ces enrôlements, mais aussi à la famine et aux épidémies, la main d’œuvre faisait cruellement défaut pour remettre le Lanna en état.

 

Pour pallier cette situation, Chao Kawila le nouveau maître du Lanna libéré et ses successeurs ne trouvèrent rien de mieux que d’aller chercher manu-militari, dans les régions en bordure du Lanna des familles pour repeupler le dit Lanna en général, et Chiang-Mai en particulier.

 

Ces déportations n’étaient pas toujours du goût des intéressés, et quand ils avaient l’imprudence de le montrer, ils étaient installés loin des centres vitaux, et à des distances en rapport avec leur degré de mécontentement. De ce fait, le pouvoir en place pouvait alors disposer de plus de temps pour intervenir et ramener à la raison les éventuels fauteurs de troubles, voire les révoltés.

 

La région, qui aujourd’hui porte le nom de San Sai fut, vraisemblablement la destination des plus irascibles, c’est-à-dire des Thai Yai (ไทใหญ่), issus de groupes Shan de Birmanie. Les révoltent qui, quelques années plus tard, vont éclater sous Rama V ne feront que confirmer ce qui vient d’être écrit.

 

Par ailleurs, quatre arguments viennent conforter l’hypothèse que j’avance concernant la déportation de ces Thaïs Yaï. (*)

 

1/ Phra Kru Vishan Jalikon, le supérieur actuel du Wat m’a révélé que le nouveau monastère avait 222 ans. Or à deux ans près, en 1798 entre 1.000 et 2.000 captifs,(*) originaires de Muang Sat (Mong Hsat en Birman) ont été déportés à Chiang-Mai.

 

2/ Les vêtements portés par les personnages statufiés peuplant l’intérieur du monastère, sont de style …Shan.

 

3/ Une peinture murale de la sala représente une famille en partance pour le Wat afin de célébrer ‘’Poï Sang Long‘’, c’est-à-dire afin d’ordonner le jeune garçon de la famille, appelé pour l’occasion ‘’Louk Kéo‘’ (แห่ลูกแก้ว). Le ‘’Poï Sang Long‘’ est une tradition propre au Thaï Yaï.

 

4/ Phra Upakut, un disciple de Bouddha très vénéré en Birmanie a son image (statue) en ce temple, comme dans de nombreux temples Thaï Yaï de la région.

 

(*) Une autre source indique que des déportés seraient originaires de Chiang Tung (เชียงตุง) aujourd’hui Kengtung. Cette ville de Birmanie fut la capitale du plus grand état Shan alors peuplé en grande partie de Thaï Yaï. Mais ces déportations n’ont eu lieu qu’en 1809/10. Toujours est-il que commencées en 1780 et terminées en 1839 ces déportations se seront étalées sur plus d’un demi-siècle. 

 

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                                  Quelques peintures murales de la sala :

(En haut du tableau sur fond bleu, figure le titre de l’œuvre – en bas sur fond jaune le ou les noms des mécènes ayant contribués au financement de la fresque.)

Photo 1 : La peinture murale Est de la Sala. (6 mètres de long sur 2 mètres de large)

Cette œuvre, terminée en avril 2005 a été réalisée par Anucha ou Anuja Kanil (อนุชา กานิล) et Suchat Ratanakognsuwan (สุชาติ รัตนคงสุวรรณ). Elle situe le Wat Mae Kaet Noi dans son environnement urbain lors de la seconde guerre mondiale, c’est-à-dire entre 1941-1945.

Les artistes y transposent plusieurs événements de l’époque comme le bombardement de certains temples, que les japonais avaient transformés en camps militaires, après en avoir expulsé leurs moines.

L’une des journées les plus marquantes de cette époque pour Chiang-Mai fut le bombardement américain du 21 décembre 1943. Ce jour-là, depuis Kunming en chine, les 29 bombardiers ‘’Consolidated B 24 Liberators‘’ de l’escadron 308, vol 14, sont venus lâcher leurs bombes sur la gare de la ville.

La peinture illustre – peut-être – un survol de Sansai par cette flotte aérienne. Car en analysant l’œuvre le fait semble tout à fait probable. Nombre de détails confirment l’exactitude topologique des lieux, et les bombardiers volent bien dans le sens Nord-Sud. Cependant aucun avion n’a été abattu, les tirs de DCA ne pouvaient alors les atteindre. Les avions volaient trop haut.

Ce bombardement de la gare de Chiang-Mai et des installations avoisinantes couta la vie à environ 300 personnes, dont 100 japonais et 200 civils, et laissa Chiang-Mai sans électricité pendant une semaine.

Militairement, cette mission, vraisemblablement destinée à mettre à mal les troupes thaïes et japonaises, alors alliées, stationnées à Chiang-Mai, arriva trop tard. Car ces derniers, environ 14.000 hommes, étaient partis depuis déjà trois jours pour envahir la Birmanie ?!...

La transposition de cet événement dans cette œuvre nous laisse ainsi un double témoignage non dénué d’intérêt et souligne -peut-être- que la guerre est aussi … un enfer. Un enfer dont les scènes de violence n’ont rien à envier à celles du jardin d’à côté ?!...

Photo 2 : Un plan plus large sur le Wat Mae Kaet Noi, ce qui permet de découvrir qu’une crémation s’y prépare car au beau milieu de la cour il y a un Prasat Nok Hasadiling (ปราสาทนกหัสดิลิงค์) (*)

Photo 3 : Les jeux des enfants du Lanna (การเล่นของเด็ก ล้านนา)

Photo 4 : Une procession conduisant un ‘’Louk Kéo‘’ (แห่ลูกแก้ว) ou novice, au Wat Mae Kaet Noi pour y être ordonné et acquérir des mérites, tant pour lui que pour sa famille.

(*) Le Prasat Nok Hasadiling est un oiseau mythique à tête d’éléphant qui conduit le défunt auprès du dieu Indra. C’est dans ce Prasat symbolisant le mont Méru que le corps du défunt, en général un dignitaire, comme le supérieur d’un Wat, est incinéré. Nous en dirons plus, plus bas.

 

Dès leur arrivée les déportés, selon l’endroit qui leur était attribué, se constituaient en petits villages, du genre hameaux, et en bons bouddhistes construisaient un temple ou, quand il en existait un, le remettait en état avec des matériaux de proximité, en l’occurrence du bois. Celui qui nous intéresse, et qui a donc été remis en état, fut appelé, en fonction de son environnement le Wat Si Don Chai Pa Tung Ngam.

 

‘’Si Don Chai‘’ parce qu’il occupait vraisemblablement une petite hauteur, voire une petite île, qualifiée, l’une comme l’autre, de glorieuse et de victorieuse et ‘’Pa Tung Ngam‘’ parce que le Wat était au sein d’une forêt (Pa) où s’élevaient différentes essences dont nombre d’arbres du genre ‘’Tung‘’ (*) qui devaient avoir fière allure puisque le qualificatif de ‘’Ngam‘’, c’est-à-dire de ‘’beau‘’ fut rajouté.

 

Cette glorieuse lumière du magnifique bois de Tung, qu’était alors le Wat Sidonchaï, redevint tout naturellement, un lieu de rassemblement et de dévotions pour les quelques familles de déportés originaires de Birmanie, se trouvant là, et dont la plupart était des Shans d’ethnie Thaï Yaï.

 

Aujourd’hui Ban Mae Kaet Noï est un petit hameau (หมู่).

 

(*) L’arbre Tung, en botanique porte le nom de ‘’Dipterocarpus Tuberculatus‘’. C’est un arbre dont la hauteur varie entre 15 et 25 mètres et le diamètre entre 40 et 60 centimètres. Il figure aujourd’hui dans la liste des espèces menacées.

 

Nota : Il existe aujourd’hui le sous-district ou tambon (ตำบล) de ‘’Ban Pa Phai‘’, ce qui se traduit par le village de la forêt de bambous. Ce dernier regroupe 17 villages dont celui de Ban Mae Kaet Noi qui figure sur la liste en cinquième position. Ce tambon est lui-même rattaché au district ou ‘’amphoe‘’ (อำเภอ) de San Saï (สันทราย) créé le 20 octobre 1897.

 

 

Les villageois, plus favorables aux noms courts qu’aux noms à rallonges, préférèrent à ‘’Sidonchaï Pa Tung Ngam‘’, le nom de Wat Pa Tung (วัดป่าตึง) c’est-à-dire le Wat de la forêt de Tung, puis le nom de Nong Hègn (วัดหนองแห้ง) fut en cours en raison d’un marais voisin ; enfin à cette troisième dénomination suivra celle de Wat Mae Kaet Noï (วัดแม่แก้ดน้อย).

 

La Mae Kaet est une rivière qui passe non loin du Wat et dont le nom tend à laisser place à celui de Mae Du (แม่ดู). (*) Si j’ai trouvé la signification du mot ‘’dou‘’ ou ‘’du‘’ je n’ai toujours pas trouvé celle de ‘’Kaet‘’. (**) Si une, ou un, érudit à une réponse concernant la signification de kaet, elle est la bienvenue.

 

(*) Le mot ‘’dou‘’ ou ‘’du‘’ se rapporte à un arbre que les botanistes ont appelé Pterocarpus macrocarpus Kurz en 1874. Les lao appelaient ce type d’arbre ‘’dou‘’ (ດູ່) ‘’maï Duu‘’, et les birmans ‘’padouk‘’ ou ‘’paduk‘’ (curieusement ‘’pa‘’ en Thai signifie ‘’forêt‘’ et ‘’du‘’ le nom d’une espèce ?! … Quant aux indigènes de la région, leurs ancêtres étaient des shans venus de … Birmanie ?! …). Cet arbre est originaire de l’Inde du Nord-est, de Birmanie, du Laos, du Lanna, du Cambodge et du Vietnam. Il est aussi appelé en Thaïlande : ‘’Pradu‘’. Ce ‘’Pradu‘’ peut atteindre 10/30 mètres de haut et 75 cm de diamètre.

(**) Le mot ‘’Kaet‘’ est d’origine Shan ou Lanna. Le dictionnaire Lanna donne comme correspondance : ‘’petit‘’, ‘’poisson‘’ et ‘’fleur‘’ ?!... Vaste programme de recherche ?!...

Le sens de ‘’petit‘’ pourrait signifier qu’un ‘’petit‘’ affluent de la Mae Kaet, passerait non loin du temple ; et que la Mae Kaet, de son côté, comparé à la Mae Ping, le grand fleuve qui arrose Chiang-Mai, ne serait qu’une large rivière ?!...

De ce fait, ce ruisseau, la Mae Kaet noï, la région en est truffée, pourrait signifier la ‘’rivière petite petite‘’ (doublement petite) car ‘’noï‘’ (น้อย) signifie aussi ‘’petit‘’ ?... Ce genre de répétition dans la langue Lanna n’est pas rare.

Cependant, par ailleurs dans son livre ‘’Noms vernaculaires de plantes en usage au Laos‘’ p. 470 Jules Vidal donne l’espèce de : Két (mai) ?! ... Két/Kaet ?!... s’agirait-il aussi tout simplement du nom d’une espèce ?! …

 

 

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Photo 1 : Le Chédi du Wat Mae Kaet Noi tel qu’il se présente aujourd’hui. (Photo du 27.08.2018)

Photo 2 : Le Viharn du Wat Mae Kaet Noi tel qu’il se présente aujourd’hui. A remarquer que les quatre personnages au bas des marches portent un costume de style … Shan ou Thai Yai. (Photo du 16.04.2018)

Photo 3 : L’autel du Viharn du Wat Mae Kaet Noi. Toutes les images de Bouddha sont de style Lanna. (Photo du 27.07.2018)

Photo 4 : L’Ubosot du Wat Mae Kaet Noi tel qu’il se présente aujourd’hui. A remarquer que les quatre personnages au bas des marches portent un costume de style … Shan ou Thai Yai. (Photo du 16.04.2018)

 

Pour tout bouddhiste un village, fût-il hameau, ne peut se concevoir sans un cœur c’est-à-dire un Wat. Alors à partir de 1796, c’est-à-dire une vingtaine d’années après le départ de l’occupant birman, et avec les moyens du bord, les quelques habitants des lieux vont remettre en état le Viharn et le Chédi.

 

Cette petite agglomération fut vraisemblablement impliquée dans la grande révolte de 1902. Mais ce n’est pas l’objet de cette chronique. Cependant il était bon de le souligner.

 

Courant 1918, sous le règne de Vajiravudh dit Rama VI (1881-1910-1925) un acte royal intitulé ‘’visung-kham-sīma‘’ ou ‘’visungsīma‘’ (วิสุงคามสีมา) ce qui signifie dit le dictionnaire, ‘’Temple agréé par un souverain‘’, mais qui dans les faits se concrétise par un terrain, qui n’appartient pas à la communauté urbaine, et que le roi donne au temple pour construire un Ubosot, d’où le mot ‘’sīma‘’ (สีมา) qui se rapporte aux 8 bornes qui entoure tout Ubosot. La petite communauté religieuse, devait alors avoir suffisamment de moines pour l’édification de cet Ubosot.

 

A cette terre donnée par le roi, vont venir s’adjoindre quatre terrains d’environ un hectare quarante-quatre chacun. (*)

 

Les textes ne disent pas s’il s’agit de dons ou d’achats, mais le Wat s’étendit au Nord vers les marais (หนองแห้ง), à l’Est du côté du canal, au Sud avec les terres de Nai Somboon (นาย สมบูรณ์), et à l’Ouest avec celles de Nang Ruankaewboonbegn (นาง เรึอนแก้วบุญแบง), où se trouverait une espèce de petite écluse.

 

Une route traversera cette vaste propriété et le hameau en son milieu, reliant ainsi par la même occasion le temple à la petite agglomération de ban Mae Kaet Noi.

 

(*) Lesdits terrains de forme carrée mesuraient 3 sêns (เส้น) de côté, c’est-à-dire environ 120 mètres.

 

L’acte royal, vraisemblablement accompagné des fonds adéquates (? …), va donc permettre en 1920 l’édification d’un ‘’Ubosot‘’ de 5,5 mètres de large sur 10 de long, construit avec de nobles matériaux, comme la brique et le ciment. Lorsque l’Ubosot sera rénové, ce sera en utilisant du béton. (*)

 

(*) Lorsque qu’un Ubosot en remplace un autre, ce qui fut le cas, il se célèbre une cérémonie dite ‘’d’arrachement‘’, ‘’thonsima‘’, (ถอนสีมา) (arracher les bornes) pour démolir l’ancien Ubosot et en construire un nouveau.

 

Puis en 1937, un nouveau produit, le béton allié à la brique allait participer à la naissance, en lieu et place de l’ancien à un troisième ou quatrième Viharn de style … ‘’Rattanakosin‘’, dont les dimensions explosent ; car sa largeur est portée à 8 mètres et sa longueur à 24 mètres. Les dons des fidèles assumeront le coût de ce Viharn. C’est l’époque ou Bangkok vise à imposer son style au détriment des styles régionaux et c’est ce que j’appelle la ‘’Thaïcisation‘’ pour imposer une culture ‘’nationale‘’. (Nos révolutionnaires de 1789 n’ont pas fait mieux ?!...)

 

Vingt-cinq ans plus tard, en 1962, une première et modeste sala en dur (ห้องสวดมนต) sera construite tout près de l’entrée.

 

Dix ans après, en 1972, une autre sala, pour accueillir une population en augmentation, elle aussi de 8 mètres sur 24 s’élèvera en parallèle avec le Viharn. Un Kuti suivra en 1986 pour loger la gent ecclésiastique qui se monte aujourd’hui à 3 moines, 5 novices et 10 jeunes préposés au noviciat.

 

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Photo 1 : La statue d’un Thai Yai, en costume traditionnel d’autrefois, installée près du portique gauche de la première entrée. (Photo du 27.07.2018)

Photo 2 : La première entrée du Wat Mae Kaet Noi. Sur la gauche, avant la deuxième entrée s’élève une image du Bodhisattva Guanyin. (Photo du 16.04.2018)

Photo 3 : Un jeune couple, en costume traditionnel Shan moderne, de passage au Wat Mae Kaet Noi pour célébrer ‘’Wan Āsālha Puja‘’ (วันอาสาฬหบูชา) c’est-à-dire la commémoration du premier prêche de Bouddha. (Photo du 27.07.2018)

 

                       Le plan du Wat Mae Kaet Noi et ses deux salas :

 

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Photo 1 : L’intérieur de la première sala (อาจาร พระปริยตธรรม). (Photo du 27.07.2018)

Photo 2 : le plan du Wat Mae Kaet Noi, dont la surface est de 58 raïs ce qui correspond à 9 hectares 28. Son titre de propriété porte la mention 35 n° 364. A cette aire viendront s’ajouter deux parcelles de terrain, l’une au Nord ayant appartenu à Naï Somboun Somboon (นาย สมบูรณ์) et l’autre au Sud dont la propriétaire était Nang Ruan Kéo Boun Begn (นาง เรือนแก้วบุญแบง).

Photo 3 : La nouvelle et grande sala construite en 1972. (Photo du 16.04.2018)

 

 

L’année 1993 verra l’arrivée de Phra Kru Vishan Jalikon à la tête du monastère. Il avait alors une trentaine d’années et un esprit d’entrepreneur.

 

Alors qu’il assume ses fonctions au sein de son Wat, et qu’il pourrait se contenter de vivre paisiblement cette situation, Phra Kru Vishan Jalikon éprouve comme un sentiment d’insatisfaction ; car il voudrait que ses ouailles suivent de plus près l’enseignement de Bouddha. Mais comment faire pour les en convaincre ?...

 

C’est alors que l’idée de créer un jardin des enfers, pour leur montrer de visu ce qu’ils risquent à leur prochaine renaissance en cas de mauvaise conduite, (*) lui traverse l’esprit, comme elle a d’ailleurs traversé l’esprit d’une vingtaine de ses confrères en Thaïlande depuis 1970.

 

Mais quand il parle de son projet aux uns et aux autres ce n’est que désapprobations en raison, surtout, du coût. Qu’à cela ne tienne, Phra Kru Vishan Jalikorn va … ‘’s’accrocher‘’ à son idée et ne pas en démordre. Car il est persuadé que son jardin des enfers est la solution sine qua non pour que ses ouailles suivent de plus près la voie tracée par Bouddha.

Des années durant il va mettre noir sur blanc les scènes que lui suggèrent les textes sacrés et ses propres réflexions. Puis avec seulement 300.000 baths en poche, en 2006 il commence les travaux de son jardin des enfers qui ouvrira ses portes au public en 2016.

 

(*) Chaque bouddhiste sait qu’il est appelé à naître et à renaître, autant de fois que nécessaire pour atteindre le nirvana. Il sait aussi que chacune de ses renaissances est le résultat de ses vies antérieures. Autrement écrit, plus sa vie présente est exemplaire et plus sa renaissance lui sera favorable mais … dans le cas contraire le fidèle a à se faire bien du souci … car les enfers sont au bout du chemin ! ... 

 

 

L’enfer en tant que lieu de souffrances après la mort a pratiquement été un concept commun à toutes les civilisations. Il fallait alors que les peuples concernés se conforment aux règles dictées par leurs dirigeants, qu’ils soient rois, ou chefs d’une communauté religieuse. Au Lanna, comme au Siam, le roi sans être directement à la tête de la communauté religieuse bouddhique, était un roi bouddhiste.

 

L’un des moyens pour obtenir ce respect des règles, voire une soumission sans faille, était de mettre en exergue la notion de châtiment par le biais de récits, de figures monstrueuses et … de peintures murales qui, la superstition aidant, réduisaient à néant toute envie de transgression auprès de ceux qui aurait pu la commettre. La crainte, la terreur ou la peur ont toujours été des armes ‘’efficaces‘’ en pareils cas. D’ailleurs, ne dit-on pas qu’il faut savoir tuer un poulet pour effrayer un singe ?!...

 

Phra Phutthayotfa Chulalok dit rama Ier (1737-1782-1809) montrait un intérêt tout particulier pour les scènes d’enfer. De ce fait il en fit peindre dans quelques Wats dont le Wat Phra kaew de Bangkok et le Wat Yai Intharam de Chonburi. Ce fondateur de la dynastie des Chakri se devait de rétablir l’ordre en son royaume, mais … en évitant la brutalité et le manque de diplomatie de son prédécesseur et ami, le roi Taksin ?!...

 

Deux contemporains du roi Mongkut dit Rama IV (1804-1851-1868), et non des moindres, glisseront dans leur mémoires quelques mots au sujet de ces peintures et de leurs raisons d’être.

 

Le premier, Sir John Bowring, (*) écrira dans son journal de 1856 ‘’ … sur les murs, d’horribles images des enfers bouddhistes ont été peintes … (descriptions de quelques scènes, puis …) …. la plupart d'entre elles fait référence à un crime particulier commis corporellement.‘’

 

La seconde, Anna Leonowens (**) plus philosophe que le premier, mais aussi plus pragmatique soulignera les raisons d’être de ces peintures murales, ‘’… Chaque art que le pouvoir et l'opulence peuvent concevoir est employé pour inspirer aux gens ordinaires une crainte tremblante et une dévotion vénérée pour leur maître souverain. ‘’

 

Selon les civilisations, tantôt l’entrée aux enfers était rédhibitoire, tantôt un passage rédempteur.  Dans le premier cas, le damné restait en enfer pour l’éternité, alors que dans le second il obtenait la rédemption et pouvait renaître ; de ce fait les supplices étaient alors adaptés aux fautes commises. Cette adaptation fut le choix de quelques religions comme l’hindouisme et le bouddhisme qui s’est beaucoup inspiré de l’hindouisme.

 

Il n’est un secret pour personne que la plupart des joyaux qui font la richesse du ‘’folklore‘’ Hindou ont été adoptés et adaptés par les bouddhistes tout naturellement et sans que cela pose la moindre difficulté idéologique ?!...

 

 

(*) Sir John Bowring (1792-1872) était alors le gouverneur de Hong Kong. Son nom reste attaché à un traité commercial qu’il imposa aux Siamois, le Traité de Bowring signé en 1855.

(**) Anna Harriette Emma Leonowens (1831-1915) était la gouvernante des enfants de Rama IV qui je le rappelle en eut 82. Elle doit sa célébrité au film ‘’Anna et le roi‘’. Le texte qui lui est attribué est extrait de son livre : ‘’Romance of the Harem‘’ paru en 1873.

 

 

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Photo 1 : Une image venant de l’Inde. Elle récapitule les différents supplices infligés à ceux qui sont condamnés à l’enfer, mais qui le quitteront ! ...

Au centre figurent Yama et ses deux aides Chitragupta et Yamadutas. Ils sont là pour juger les nouveaux venus qui seront dirigés dans l’un des 14 enfers représentés.

Photo 2 : Une peinture murale du Viharn du Wat Roy Chan (วัด ร้อยจันทร์) un petit Wat Shan à Chiang-Mai hors les murs Sud/Ouest. Elle montre quelques-uns des supplices réservés aux damnés du dernier des huit grands enfers, l’enfer ‘’Avīci‘’, que l’auteur intitule ‘’Mahā Avīci Naraka‘’ (มหาอเวจีนรก) ‘’Le grand enfer Avīci‘’. Cette œuvre est signée par le peintre Kreangkrai Muangmool (กราย เมืองโมล). (Photo du 27.04.2013)

Photo 3 : Une gravure extraite d’un manuscrit médiéval donnant un aperçu des supplices qu’un mauvais chrétien aurait à subir en enfer pour l’éternité. Là encore il s’agissait de faire peur au lecteur … mais une sacrée peur puisque la peine était éternelle.

Cette reproduction est l’œuvre de l’abbesse Herrad von Landsberg, auteur de la première encyclopédie rédigée par une femme en l’abbaye de Hohenburg en Alsace. De cette encyclopédie il ne reste plus aujourd’hui, que quelques pages.

 

 

Ainsi qu’il est écrit précédemment, bien avant la création des jardins des enfers, les fidèles étaient rappelés à une droiture de vie au moyen d’images qui n’avaient, et qui n’ont rien à envier, compte tenu des époques, à l’atrocité des scènes présentées dans ces jardins.

 

La création des jardins des enfers tels que nous les connaissons aujourd’hui, et des images dont il a été question, sont, comme autrefois, destinées aux fidèles bouddhistes dans le but de les éduquer, et de les amener à se conformer scrupuleusement à la bonne loi, laquelle ne fait qu’une avec celle du royaume.

 

Tous les supports imaginables dans les lieux de cultes étaient bons pour que le fidèle, au moyen de ces images, soit informé des risques qu’il encourait après sa mort si ses actes n’avaient pas été en conformité avec l’enseignement de Bouddha, c’est-à-dire la bonne loi ou le dharma ! ...

 

 

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               Quelques peintures murales d’antan représentant les enfers :

 

Photo 1 : L’enfer au Wat Sanuan Wari Phatthanaram (วัดสนานวรี) de Khon Kaen, en Isan (Nord/Est). Cet extrait des enfers est tiré d’une peinture murale couvrant l’extérieur du mur ouest, du Sim. (*)

(*) Le Sim en Isan est l’équivalent de l’Ubosot au Lanna à la différence qu’il est plus petit et entouré d’un hall couvert, ce qui préserve les peintures de ses murs extérieurs des intempéries. L’Ouest, est la direction attribuée à la mort et à la résurrection.

En ce temps-là, les femmes ne pouvaient pas pénétrer à l’intérieur des Sims où se pratique l’ordination des moines. C’est l’une des raisons pour lesquelles les murs extérieurs des Sims étaient et sont couverts de scènes édifiantes pour instruire plus particulièrement la gent féminine.

Photo 2 : L’enfer et … le Paradis au Wat Ban Yang Thuan Vararam Temple, Maha Sarakham (วัดบ้านยางทวงวราราม-มหาสารคาม) de Khon Kaen en Isan (Nord/Est). Cette fresque murale, réalisée sur un mur extérieur du Sim, est une allégorie d’après Phra Malai qui met en scène tout à la fois le Paradis et l’enfer. (Photo de Bonnie Brereton extraite du livre ‘’Buddhist Murals of Northeast Thailand).

Photo 3 : L’enfer au Wat Buak Khrok Luang (วัดบวกครกหลวง) de Chiang-Mai hors les murs. Cet extrait des enfers est tiré de la quatrième peinture murale du Viharn. Il s’agit d’une allégorie du Nemi jataka, le 541ème, c’est-à-dire du voyage du roi Nemi, visitant les enfers et le paradis. Cette œuvre a été peinte voici plus de 120 ans, c’est vraisemblablement l’une des plus ancienne de la région. (Photo de 2013)

 

 

Avec la photo, le cinéma, la télévision, et maintenant internet, l’image ou la gravure d’antan a perdu de son pouvoir de persuasion ; elle est carrément tombée en désuétude. Néanmoins, les artistes d’aujourd’hui continuent à représenter ces scènes d’enfers mais … beaucoup plus par tradition que pour mettre en garde ceux qui transgressent la bonne loi bouddhique.

 

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Quelques scènes traditionnelles des enfers reprises par les artistes d’aujourd’hui :

 

Photo 1 : L’enfer au Wat Chaimongkon (วัดชัยมงคล) de Chiang-Mai hors les murs (Est). Ce ‘’chaudron‘’ est extrait du mur extérieur ouest du Viharn. Il s’agit d’une allégorie de la descente de Bouddha du paradis des 33. En dessous de ce paradis les enfers sont représentés, dont ce chaudron. (Photo du 02.05.2014)

Photo 2 : L’enfer au Wat Lok Moli (วัดโลกโมฬี) de Chiang-Mai hors les murs. (Nord). Ce panneau sculpté est inspiré des récits de Phra Malai. (Photo du 20.02.2013)

Photo 3 : L’enfer au Wat Mae Yuak (วัดแม่หยวก) de Chiang-Mai hors les murs (Nord) Cette peinture murale se trouve dans la sala du monastère. L’une des particularités de ce Wat est d’avoir un bouddha couché de 8 mètres devant son autel. (Photo du 30.07.2018)

Photo 4 : L’enfer au Wat Sri Don Chai (วัดศรีดอนไชย) de Chiang-Mai hors les murs (Est). Cette œuvre en métal repoussé se trouve sur l’un des vantaux du Viharn. Il s’agit, la-encore de la copie d’une scène tirée d’un livre en accordéon concernant Phra Malai.  (อุทิศให้ - นายสมนางทอง อินทร์ไชยวุฒิ). Plusieurs battants servent de support à d’autres allégorie dont le sujet est … l’enfer. (Photo de 2012).

 

 

L’origine des jardins des enfers :

 

Comme l’image n’avait plus l’impact de ses origines, alors l’idée de reprendre leur contenu et de le transposer en trois dimensions se fit jour et se développa. Cette idée donna naissance à un premier jardin des enfers, puis à un second … etcétéra … etcétéra ! ...

 

C’est vers les années 1970 qu’en Thaïlande la création des jardins des enfers prit de l’ampleur. C’est aussi durant ces mêmes années que naissait en Thaïlande, une industrie exportatrice. De ce fait pour répondre au besoin de main d’œuvre la formation donnée aux élèves et aux étudiants prit un tour nouveau qui allait les détourner, encore un peu plus, du besoin d’entrer dans les ordres pour parfaire leur éducation. Les prémices de cette désaffection pour une vie religieuse étaient déjà apparues courant 1910. Cette année-là, toutes les écoles, y compris celles des monastères, furent mises sous le patronage royale, ce qui eut pour conséquence une baisse des vocations religieuses, car il n’était plus nécessaire de se faire novice pour apprendre à lire et à écrire. (*)  

 

(*) Autrefois, c’était dans les monastères que les jeunes garçons apprenaient à lire et à écrire. Cet apprentissage avait partie liée avec le Bouddhisme. De ce fait pour parfaire son éducation, ‘’l’enfant des pagodes‘’, comme ‘’on‘’ l’appelait alors, devait entrer dans les ordres et devenir novice. Chaque monastère était maître chez lui et n’avait de compte à rendre à personne.

 

Le roi Chulalongkorn dit Rama V (1868-1910), courant 1910 va mettre l’éducation sous patronage royal en créant, avant l’heure, un ministère de l’éducation nationale. Les élèves, partout dans son royaume, allaient alors recevoir le même enseignement et sans avoir à entrer dans les ordres. Ce sera aussi, soit dit en passant, le moyen d’imposer la langue Siamoise sur l’ensemble du royaume, ce qui ne se fera pas sans quelques difficultés, dont les protestations des parents qui voulaient que leurs enfants restent fidèles à leur langue maternelle !...

 

- En 1886 le Siam comptait 35 écoles et 1994 élèves ;

- En 1909 le Siam comptait 131 écoles et 14.174 élèves 

- En 1932 le Siam comptait 7.638 écoles et 798.126 élèves.

 

Au fur et à mesure des ans, les écoles des monastères devenaient ‘’laïques‘’. Les moines étaient alors employés comme enseignants dans le cadre d’une administration d’état. Cependant, ce changement de statut concernant leurs élèves n’a pas été pour la communauté des moines ou sangha la seule et unique raison de la baisse des vocations, mais il a vraisemblablement compté pour beaucoup.

Pour ‘’mesurer‘’ la gravité de la situation, vue du côté du Sangha, il suffit de savoir qu’en 1927, les moines représentaient 1,17% de la population Siamoise, ce qui faisait 1 moine pour 85 habitants. Trente-neuf ans plus tard, en 1966 cette représentativité n’était plus que de 0,57%, ce qui faisait 1 moine pour 177 habitants.

 

Quand on sait qu’entre 1927 et 1966 la population a augmenté de 19.954.000 habitants ... il y avait de quoi s’inquiéter ?!...

 

 

Autrement écrit, la création de ces ‘’jardins des enfers‘’ pourrait être une réaction inconsciente de la part de certains abbés pour attirer l’attention de leurs fidèles, frapper leur esprit, voire les effrayer (n’ayons pas peur des mots) et ainsi les ramener à une pratique du Bouddhisme traditionnelle en leur montrant de visu les risques encourus en ne suivant pas les préceptes dictés par Bouddha.

 

D’autant que, ce n’est pas par hasard si de nombreuses éditions du ‘’Malai Sutra‘’ parues sous forme de ‘’samut Khoï‘’ font aujourd’hui l’orgueil de nombreux musées de par le monde, et … datent, pour beacoup, du XVIIIe siècle ?! ...

 

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                                                       Deux supports d’écriture

Photo 1 : Un manuscrit sur feuille de palmier. Ce manuscrit ou ‘’phūk‘’ se compose d’un nombre de feuilles ou ôles qui varie selon l’importance du texte. Certains textes peuvent avoir recours à une trentaine de phūk.

Le palmier qui sert à la fabrication des ôles diffère selon les régions. Au Lanna il s’agit principalement de la feuille de latanier ou ‘’corypha umbraculifera L.‘’ 

Le mot ôle ou ôlle, vient du mot tamoul ôlei qui signifie … feuille.

Photo 2 : Un ‘’samut Koï‘’ ou ‘’leporello‘’ ou encore ‘’livre frise‘’. La particularité de ce type de livre est de se plier en accordéon ; son papier a été fabriqué à partir de l’écorce de l’arbre Koi, d’où son nom de livre (samut) Koï. Cet arbre a pour dénomination botanique le ‘’Streblus asper Lour.‘’ En Inde et plus particulièrement en médecine ayurvédique cet arbre est appelé ‘’Shakhotaka‘’. Le leporello se compose en général de 95 folios dont 17 sont illustrés.

 

 

Certes, à cette époque il fallait reconstituer le patrimoine littéraire, disparu dans les flammes, lors de la chute d’Ayutthaya en mars/avril 1767. Mais il fallait aussi, et surtout, remettre de l’ordre dans le royaume et, par tous les moyens, celui des armes comme celui de la raison, via les prêches et … la littérature.

 

Du temps du roi Taksin (1767/1782) la communauté des moines était divisée en clan dont les membres s’affrontaient en public au sabre et au fusil dans le but d’imposer aux clans adverses leurs doctrines.

 

Pour mettre fin à ces combats fratricides, qui coûta à Taksin son trône, les images d’enfers, vues dans les samut Khoi des ‘’Phra Malai‘’ n’auraient-elles pas joué un rôle, aussi infime soit-il, dans le retour de la bonne loi, d’autant que ces images étaient l’œuvre de religieux, c’est-à-dire l’œuvre des premiers concernés ?!... (*)

 

(*) Lorsqu’une société est en proie à la violence, ou à un retour au calme, il y a toujours avant l’une ou l’autre de ces étapes nombre d’initiatives à contrecourant, personnelles ou collectives qui, en s’additionnant crées un climat propice à un changement de société.

 

 

Ces parcs n’ont donc pas été créés pour attirer le touriste et encore moins pour satisfaire les bas instincts qui sommeillent en chacun. Ils ont été mis en place dans un but pédagogique, et pour un public thaïlandais de confession bouddhique plus réceptifs aux images et aux choses palpables qu’à la rhétorique … ‘’casse-tête‘’ ! ...  Ne dit-on pas chez nous qu’une image vaut cent mille mots ?...

 

Les scènes présentées ne sont pas sans signification pour un bouddhiste Thaïlandais. Car si la rhétorique n’est pas la tasse de thé du plus grand nombre il n’empêche que depuis leur enfance ils ont tous, un jour ou l’autre, entendu parler, et deux fois plutôt qu’une, des enfers et des supplices qui se rapportent aux différents écarts d’une vie qui devrait être … édifiante.

 

Chaque fidèle sait que sa vie présente est le résultat de ses vies passées. C’est ce qui s’appelle le Karma. Il sait aussi qu’avant d’atteindre l’éveil, ce à quoi tout Bouddhiste aspire, il lui faudra vivre de nombreuses existences et renaître dans l’un des trois mondes dont, peut-être, le Kamabhūmi (le monde du désir sensuel) qui comporte onze terres dont le Narakabhūmi, la terre de Naraka ou … l’enfer.

 

Il sait aussi que les souffrances à subir en enfer sont terribles. Mais savoir est une chose et voir en est une autre ; la vision, même partielle, de l’enfer donne à réfléchir, d’autant, nous dit la cosmologie des trois mondes qu’une peine de 500 ans dans le Sañjīva, le premier des huit grands enfers, correspond à 1.620.000.000.000 de journées de notre monde terrestre. Car en enfer, une journée et une nuit équivalent à neuf millions d’années terrestres ?!... Or la damnation ne cesse que lorsque le karma des mauvaises actions est entièrement … ‘’consumé‘’ ?! ...

 

La plupart, pour ne pas écrire tous les fidèles Thaïlandais croient en l’existence de ces enfers, (*) d’autant, que de nombreux textes y font référence … le Balapanditta sutta (129), le Devaduta sutta (130), (**) le Lohakumbhi jataka, le Mālăy sūtra, le Peta-Vatthu, le Samkicca jataka, et le Traibhūmi Braḥ R’vaṅ … entre autres.

 

(*) Pour un bouddhiste l’enfer n’est qu’un lieu de passage, et non un endroit où le ‘’pécheur‘’ reste pour l’éternité comme dans le christianisme.

(**) Un sutta a pour objet d’expliquer le sens d’un point du dharma. Ces explications sont données par Bouddha lui-même ou l’un de ses principaux disciples. Le Devaduta sutta est un discours de Bouddha qui décrit les enfers. Il est le 130è de la liste du ‘’Majjhima Nikaya‘’ qui en compte 152.

 

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Photo 1 : Un extrait d’une peinture murale du Wat Chai Phra kiat (วัดชัยพระเกียรติ) de Chiang-Mai intra-muros. Cette image à faire peur aux fidèles devait être proche de celles peinte du temps de Phra Phutthayotfa Chulalok dit rama Ier. C’est en tout cas l’une des plus anciennes peintures murales de Chiang-Mai pour laquelle les ouvriers d’aujourd’hui n’ont guère d’égard. (Photo du 16.08.2018).

Photo 2 : Cette œuvre de Phra Thewaphinimmit (พระเทวาภินิมมิต) (1888-1947) s’intitule ‘’l’adultère‘’. Il s’agit de la quatrième image d’une série de quatorze qui toutes sont en couleurs et se rapportent à des textes constituants la légende de Phra Malai. Lors de la décennie des années 60 elles ont été tirées sous forme d’affiches de 51 cm sur 86 cm. Leur objet était alors de permettre aux moines de rassembler leurs troupeaux en agitant le bâton : ‘’si vous commettez l’adultère voyez ce que vous risquez‘’, par contre si vous accomplissez des actes méritoires, (comme faire des dons au Wat), vous serez récompensés. Ces affiches furent même peintes, et le sont encore, sur les murs des Viharns pour que les fidèles n’oublient pas le message.

Photo 3 : Une fresque toute récente peinte sur le mur Est du Viharn du Wat Tung Yu (วัดทุงยู) de Chiang-Mai intra-muros.

Il s’agit de Bouddha descendant du ciel Tāvatiṃsa. Sous la terre les enfers ont été peints. L’artiste a repris cinq des images de Phra Thewaphinimmit. ‘’L’adultère‘’ est celle du milieu. Les autres images concernent les enfers réservés 1/ aux assassins, 2/ aux voleurs, 3/ aux adultères, 4/ aux menteurs et 5/ aux alcooliques (Photo de 2015 de David Clay)

 

D’après la cosmologie bouddhique des trois mondes le ‘’Traibhūmi Braḥ R’vaṅ‘’ (*) il y aurait, situés sous notre terre, huit grands enfers chauds, le Sañjīva, le Kālasutta, le Saṅghāta, le Roruva, le Mahāroruva, le Tāpa (na), le Mahātāpa (na) et l’Avīci (**) ; et huit grands enfers froids, l’Arbuda, le Nirarbuda, l’Atata, le Hahava, le Huhuva, l’Utpala (Lotus bleu), le Padma (Lotus), et le Mahapadma (grand lotus Naraka).

 

Chacun de ces huit grands enfers serait au centre de seize autres enfers, des enfers dits secondaires, ce qui ferait un total de 136 enfers. (8 x 16 + 8)

 

En fait, d’après le ‘’bhūmivilāsinī‘’ (ภูมิวิลาสินี) un texte Thaï paru en 1970, (Année de la naissance des jardins des enfers … hasard ?...) il y en aurait 457, car il conviendrait de rajouter au 136 précédents, les 320 enfers de Phraya Yom ratcha (พระยายมราช) le roi des enfers, et l’enfer de Lokantara (โลกันตนรก ouโลกันตร์), un enfer situé au bord de l’univers.

 

 

(*) La cosmologie des trois mondes ou ‘’Traibhūmi Braḥ R’vaṅ‘’ est supposé avoir été rédigé vers 1345 par le futur roi de Sukhothai, Lithaï (1347-1374) qui n’était alors que vice-roi de Sri Satchanalai (Sajjanālaya) (a). Elle a été traduite par deux français Georges Cœdès et Charles Archaimbault et éditée en 1973.

En 1802, le roi Phra Phutthayotfa Chulalok dit rama Ier (1737-1782-1809) a chargé Phraya Thammapricha (Kaeo) (พระยาธรรมปรีชา (แก้ว)) de réécrire un traité de cosmologie (Traiphumi Lok Winitchai) ; sans doute pour remplacer ceux détruits lors du sac d’Ayutthaya, mais peut-être aussi pour y apporter quelques modifications sous prétexte d’actualisation, concernant – peut-être – les supplices en enfers ?! ... Qui peut dire ?!...

(a) Lithaï se trouve aussi orthographié : Lidaiya, Lü Thai, Pho Khun Lithaï et aussi Dhammarāja. La rédaction de la cosmologie des trois mondes aurait été écrite après la consultation d’une trentaine d’ouvrages Singhalais, Birmans et surtout pāli.

(**) Ce serait dans l’enfer Avīcī que Devadatta, qui attentat aux jours de son cousin, un certain … Bouddha en lançant sur son chemin un éléphant fou qu’il avait fait droguer, mettrait fin, mais pendant de très longues années, à son mauvais karma.

 

 

Autrement écrit, l’univers bouddhique ne manque pas d’enfers, alors de ce fait, pas un ‘’mauvais‘’ fidèle ne peut y échapper en raison d’une éventuelle surpopulation. Tout homme, ou toute femme qui ne respecte pas la loi divine ou Dharma, qui est aussi la loi du royaume Siamois et … Thaïlandais, y trouvera une place à coup sûr. Cette situation donne à réfléchir, y compris pour les plus téméraires, voire les mécréants ?!...

 

Les raisons qui conduisent aux enfers se rapportent à dix mauvais comportements, dont :

Trois sont reliés au corps,

- la luxure ou Kāmesu micchācāra,

- le meurtre ou Pānṇātipāta

- et le vol ou Adinnādāna ;

Quatre sont reliés à la bouche et plus particulièrement la langue,

- la calomnie ou Pesuññavācā,

- l’inanité ou Samphappalāpavācā,

- l’injure ou Pharusavācā,

- et le mensonge ou Musāvāda ;

Les trois derniers sont reliés à l’esprit,

- la convoitise ou Abhijjhā, (*)

- l’hérésie ou Micchādiṭṭhi,

- la malveillance ou Vyāpāda.

 

(*) Parfois la convoitise est remplacée par la cruauté ou Vihiṃsā. 

 

 

Par ailleurs, selon certaines légendes, ces lieux ont été visités et décrits par des hommes (réels ou non) dignes de foi pour les fidèles du Lanna et en lesquels ces derniers ont toute confiance comme Moggallana, le roi Nemirāja (เนมิราช) et Phra Malai (พระมาลัย) pour ne citer qu’eux.

 

Les …    ‘’justes‘’ ou les ‘’référents‘’ qui ont visité les enfers ne sont donc pas pléthore, de ce fait leurs témoignages sont d’autant plus importants à défaut d’être crédibles pour d’éventuels mécréants.

 

Nemirāja, cité plus haut, n’était autre qu’une des réincarnations du futur Bouddha Sakyamuni.

 

Comme il avait visité les enfers et les paradis, des artistes ont illustré cette visite à l’attention des fidèles mais, si leurs images ou leurs peintures murales montrent Nemirāja dans son attelage, aucune, ou presque, ne permet aux fidèles de se faire une idée des enfers ?! ...

 

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Le voyage du roi Nemirāja (เนมิราช) aux enfers et au paradis. (Jātaka 541).

 

Photo 1 : Une peinture murale du Wat Chang Kong de Chiang-Mai Hors les murs/Est, reproduisant une image de l’artiste indien Pednekar qui lui aussi a créé une série d’images sur la vie de Bouddha. (Photo du 09.03.2013)

Photo 2 : Une peinture murale du Wat Chet Tawan de Chiang-Mai Hors les murs/Est, reproduisant une image de l’artiste indien Pednekar, pratiquement semblable à la précédente mais quelque peu retouchée pour lui donner un rien de … siamois. (Photo du (Photo du 09.03.2013)

Photo 3 : Une peinture murale du Wat Upakut de Chiang-Mai Hors les murs/Est, complètement originale. Cette œuvre de Phong Pradit (1895-1977) date de 1933 (Photo du 12.08.2018)

 

Nota : Les enfers n’ont pas été représentés au sein des peintures murales ci-dessus, tout comme d’ailleurs le paradis qui, soit-dit en passant, aux yeux des fidèles est loin d’avoir le même impact que les enfers ?! …

Car les enfers font peur, et c’est la peur qui permet de garder prise sur les fidèles.

 

Les artistes qui ont peint les deux premiers tableaux n’ont fait que reproduire, à quelques détails près, l’illustration d’une mise en image de l’artiste Indien Pednekar.  Comme pour Phra Malai, cet illustrateur a créé une série d’images dont chacune se rapporte à l’un des dix derniers Jātakas.

Le peintre de la troisième fresque, par contre, s’est inspiré directement du texte du jātaka ou du ‘’Traibhūmi Braḥ R’vaṅ‘’ et a peint l’attelage royale précédé de plus de mille purs sangs, mais comme ses confrères il s’est abstenu de représenter les enfers.

Pourtant, ces enfers sont parfaitement décrits dans le conte et le Traibhūmi Braḥ R’vaṅ ?!...

Faut-il en déduire qu’à l’époque la parole suffisait pour inspirer de la crainte aux fidèles ?! … Là est la question ?! …

 

 

Phra Nemi ou Phra Nemirāja

 

Phra Nemirāja ou le roi Nemirāja, comme déjà dit, est l’une des nombreuses incarnations du Bouddha Sakyamuni. Son histoire fait l’objet d’un conte ou jātaka (*) dont le premier conteur n’aurait été autre que Bouddha lui-même au parc des mangues de Makhādeva.

Dans ce texte, Bouddha, qui n’est alors que Boddhisattva, est le fils du roi de Mithila ou de Madhubani, la capitale du royaume de Videha qui se serait alors situé du côté du Népal voilà plus de 4.000 ans.

 

Durant sa jeunesse ce … Nemi a un noble comportement qui comble d’aise le dieu Indra, car il fait de la chasteté et du don sa conduite de vie. Mais au fils des ans, le jeune prince, devenu roi, ne cesse de s’interroger, et de plus en plus intensément, pour savoir quel est le mode vie le plus fécond de la vie pure ou de l’aumône ?!...

 

Du haut du ciel, le dieu Indra, Informé du tourment du roi, décide d’aller lui rendre visite pour lui dire de vive voix : ‘’Grand roi, la vie vertueuse est plus féconde que l’aumône mais ne te dispense pas de l’aumône ; car l’aumône est un complément de la vie d’ascète. Continuez donc à faire l’aumône et à vivre en toute sainteté‘’. Ces paroles étant prononcées, Indra regagna le ciel et le roi Nemi continua de vivre vertueusement tout en pratiquant l’aumône.

 

Quelques temps plus tard, au paradis, les Dévas (êtres divins) qui accédèrent à la béatitude en prenant le roi Nemi comme modèle, demandèrent à Indra de voir de plus près cet homme aussi exceptionnel.

 

Indra accéda à leur requête et envoya Mātali son cocher à la ville de Mithilā pour conduire au ciel, dans son plus bel attelage, précédé de plus de mille purs sangs, le roi Nemi.

 

Alors que Nemi se tenait dans le char divin, prêt à prendre le large, le cocher Mātali lui demanda :

 

‘’Noble roi, quel chemin dois-je prendre pour vous conduire au ciel, celui qui survole les enfers, ou le royaume des justes ?... ‘’.

Le survol des enfers, pour l’aller, eut la préférence de Nemirāja. Alors Mātali commença par lui montrer ‘’Vetaraṇī‘’, (เวตรณีนรก) qui n’est autre que le premier enfer secondaire du grand enfer Sañjīva.

 

Vetaraṇī est une rivière infranchissable ou coule une eau très salée. Quand les damnés tentent de s’enfuir en s’y plongeant, des lianes épineuses surgissent du lit du fleuve et les déchirent jusqu’au sang ; puis des flammes s’élèvent des eaux et les brûlent.

 

En découvrant ces atrocités Nemirāja fut terrifié et demanda qui étaient condamnés à cet enfer, Mātali lui répondit : ‘’Noble roi, le péché donne naissance à des fruits, et ces atrocités sont les fruits de tous ceux qui ont nui à autrui en abusant de leur force ou de leur position‘’.

 

Apparut ensuite un deuxième enfer, c’était l’enfer ‘’Sunakha‘’ (สุนัข) ou l’enfer des Chiens.

Il y avait dans cet enfer quatre espèces de chiens, des blancs, des rouges, des noirs et des jaunes, tous aussi grands qu’un éléphant mâle. Il y avait aussi des vautours et des corbeaux aussi grands que des charrettes, et tous ces êtres infernaux déchiraient, brisaient, mordaient, et dévoraient les damnés qui sur terre avaient proféré des injures aux bonzes, aux brahmanes à leurs parents et aux personnes âgées qui observaient alors avec respect et dévotion les préceptes bouddhiques. (*)

 

Un troisième enfer succéda au précédent, c’était l’enfer ‘’Sorattajoti‘’ ou l’enfer aux feuilles de fer rouge (de chaleur) (นรกเหล็กแผ่นเหล็กแดง).

Le sol de cet enfer, est constituée de plaques de fer rouge dont jaillissent des flammes qui ne s’éteignent jamais. Les damnés marchent sur elles poursuivis par des bourreaux qui les frappent au moyen de marteaux grands comme des troncs de palmier en fer rouge eux aussi. De ce fait, les damnés se brûlent les pieds et se consument dans d’atroces souffrances. Leur corps se pulvérise, se réduit en cendres mais sans être anéanti car il se reconstitue instantanément pour retrouver son aspect initial et, recommencer à courir sur les plaques de fer brulant poursuivi par des bourreaux.

 

Cet enfer, précisa Mātali, est dévolu à ceux qui prononcent des paroles blessantes aux gens de bien qui observent les préceptes et qui ne leur ont fait aucun tort.

 

Tandis que l’épouvante gagnait Nemirāja, le Chariot royal survola le quatrième enfer qui porte le nom de Angārakāsu (ma) c’est-à-dire ‘’le puits de braise‘’ (นรกถ่านเพลิง).

Les gardiens de cet enfer, au moyen d’armes et de marteaux de fer rouge de chaleur d’où s’échappent des flammes poursuivent les damnés en les frappant jusqu’à ce qu’ils tombent dans une fosse remplie de braises ardentes. Au milieu d’elles les damnés commencent à se consumer dans d’horribles souffrances. Mais à peine ont-ils atteint le fond du puit, que tout aussitôt, des bourreaux leur versent sur la tête des pelletées de charbon rouge pour augmenter leurs douleurs. Comme le Karma de ces damnés ne leur donne pas la possibilité de mourir, dès qu’ils expirent, ils renaissent à nouveau … dans cet enfer.

 

Une fois de plus Nemirāja voulu connaître le crime de ces damnés. Mātali lui répondit : ‘’Noble roi, le péché donne naissance à des fruits, et ces souffrances sont les fruits de tous ceux qui se sont fait remettre des biens destinés à des actes méritoires et qui les ont gardés pour en tirer profit, au lieu de les donner.

 

Le cinquième enfer, fut l’enfer de Lohakumbhi (โลหะกุมภี) ou de la marmite de fer que les Thaïlandais traduisent par l’enfer du pot en cuivre ‘’Naraka Mo Thong Degn‘’ (นรกหม้อทองแดง).

 

Une grande marmite en fer rouge, débordant de fer en fusion occupe toute la place de cet enfer ; la tâche des bourreaux consiste alors d’y plonger les damnés la tête la première en les tenant par les pieds. Quand ils sont lâchés dans le chaudron ces damnés, à cause de leurs brûlures, se tordent de douleurs. Ces tourments se perpétueront jusqu’à l’épuisement du karma des intéressés.

 

Mātali apprendra à Nemirāja que ces gens se sont retrouvés dans cet enfer pour avoir frappé des bonzes et des brahmanes qui observaient les préceptes. (*)

 

(*) Que sont les préceptes : Tous laïcs doit respecter au moins cinq préceptes, pour vivre en bon bouddhiste, à savoir : 1/ Ne pas voler, 2/ Ne pas tuer, 3/ Ne pas forniquer, 4/ Ne pas mentir et, 5/ Ne pas s’envirer.

Les jours d’uposatha, qui sont des jours de jeûne et de pénitence, les fidèles sont appelés à respecter trois autres préceptes, à savoir 1/ Ne pas manger dans l’après-midi de ces jours, 2/ Ne pas se laisser distraire en se toilettant, en écoutant des chants, en regardant des danses ou tout autre spectacle, et, 3/ Ne pas dormir sur une couche moelleuse, dans la nuit de ces jours,

Ce qui porte le nombre des préceptes à respecter à … huit … pour de simples laïcs. Car plus ‘’on‘’ monte dans la hiérarchie religieuse, et plus le nombre de préceptes augmente.

 

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Cette page d’un samut Koï ou leporello, conte le voyage de Nemirāja se rendant au ciel par la voie des enfers. Deux images illustrent le récit. Celle de droite représente Nemirāja dans son char, au-dessus de deux enfers, tandis que celle de gauche donne à voir six enfers.

Ce samut Koï date de la fin du XVIIIe siècle, ce qui correspond au règne de Rama Ier. Il se trouve actuellement à la British Library de Londres et est répertorié sous la référence : Or. 14068, folio 4.

 

 

Mātali, poursuivant sa litanie, dit alors, ‘’Noble roi, le péché donne naissance à des fruits, et le sixième enfer, le ‘’Gīvaluñca‘’ (l’enfer de la décollation) est destiné à tous ceux qui ont tué des êtres vivants, (hommes, animaux, volatiles etc …), ou qui leur ont tranché la gorge pour les faire périr.

 

Dans cet enfer il y a une chaudière en fer rouge aux dimensions démesurées, puisqu’elle est de la taille d’une montagne. Les bourreaux sont eux aussi de taille gigantesque puisqu’ils mesurent jusqu’à 6.000 toises c’est-à-dire, environ 12.000 mètres.

 

Les bourreaux, quand ils tiennent un damné, le lient et lui tordent le cou jusqu’à ce que la tête se détache du corps. Cette tête est alors jetée dans la chaudière qui contient du fer en fusion. Pendant cet acte, une nouvelle tête a repoussé au sommet du corps de la victime, remplaçant ainsi l’ancienne. Cette nouvelle tête connaîtra le même sort que la précédente, et il en sera ainsi jusqu’à la fin du Karma du damné.

 

Le septième enfer porte le nom de ‘’Thūsapalāpa‘’ (L’enfer des épis vides et de la balle de riz)

 

Sont réunis dans cet enfer tous les fraudeurs qui ont vendu du riz soi-disant de bonne qualité alors qu’ils ont corrompu cette qualité en mêlant à ce riz divers éléments (balle, paille et épis vide) pour gagner sur le poids.

 

Cet enfer est arrosé par un fleuve aux eaux calmes, sereines et limpides. Les damnés, torturés par une soif qui leur déchire les entrailles, et d’où s’échappent des flammes, se précipitent alors dans ce fleuve pour apaiser leurs souffrances. Mais dès qu’ils sont au contact de l’eau, le fleuve se couvre d’une nappe de fer rouge d’où s’élèvent des flammes, qui vont les brûler encore plus. Puis tout d’un coup, l’eau se transforme en balle de riz et en épis vide mais … couverts de flammes.

 

Pour apaiser leur soif, et étouffer les flammes qui s’échappent de leur entrailles, les damnés vont ingurgiter cette balle et ces épis qui, une fois dans leur ventre vont se mettre à flamber. Les flammes vont commencer par s’échapper de leur fondement, puis de tout leur corps. Alors en poussant des cris et des hurlements à n’en plus finir, les damnés vont se reprécipiter dans le fleuve dans l’espoir d’apaiser leurs souffrances qui ne feront alors … que se renouveler.

 

Le huitième enfer porte le nom de ‘’Lagatiṇhasalla‘’ (L’enfer des flèches acérées).

 

Cet enfer est semblable à une arène ou se tient une perpétuelle chasse à l’homme. Les chasseurs sont les bourreaux et le gibier les damnés. Armés de lances, de harpons de piques et d’arcs, les bourreaux harcèlent sans relâches les damnés qui sont dans l’impossibilité de s’échapper. De ce fait, leur corps sont couverts de plaies, et de déchirures qui les font ressembler à des feuilles de bananier séchées qui ont été lacérées dans le but d’être broyer.

 

Cette fois encore Nemirāja demanda quels forfaits avaient conduit ces gens à subir de tels supplices. Sans pitié pour ces damné Mātali répondit : ‘’Noble roi, le péché donne naissance à des fruits, et ces supplices sont les fruits de tous ceux qui ont volé, qui se sont accaparés des biens d’autrui et qui ont tout mis en œuvre pour ne pas les restituer. ‘’

 

Le neuvième enfer porte le nom de ‘’sīsakatta‘’ ou de ‘’vilakata‘’ ce qui signifie dans un cas décollation et dans l’autre débiter en tranche.

 

Cet enfer réuni tous les hommes qui tuent des poissons et qui vont les vendre au marché en les transportant au moyen d’un fléau.

 

Dès leur renaissance ces damnés sont attrapés par le cou au moyen d’un lasso en fer de ‘’fer rouge‘’. Puis après avoir été traînés au sol ils sont jetés sur une plaque de fer rouge. Sur cette plaque ils sont transpercés au moyen de lances et de harpons puis découpés au coutelas. Leurs morceaux de chair sont ensuite étalés comme il est d’usage sur les marchés, afin être vendus. Mais au lieu d’être acheté les damnés retrouvent leur forme primitive et vont à nouveau se faire prendre au lasso ?!...

 

Morāpamīḷha est le dixième enfer.

 

Les damnés de cet enfer commencent par renaître dans un grand fleuve rempli d’excréments nauséabonds dont l’odeur se répand à des milliers de kilomètres à la ronde. Puis, comme coincé dans ces matières fécales ils en feront leur nourriture quotidienne faute d’aliment.

 

Mātali, expliquera alors à Nemirāja : ‘’Noble roi, le péché donne naissance à des fruits, et ce traitement est le fruit des nobles et des seigneurs qui durant leur vie sur terre ont exigé de leurs sujets plus qu’ils ne devaient ou ne pouvaient leur payer. ‘’

 

Tandis qu’approchait l’enfer des hérétiques, au ciel Indra et les dévas s’impatientaient de ne pas voir arriver Nemirāja.

 

Apprenant que Nemirāja visitait les enfers, Indra qui savait mieux que quiconque que la vie d’un homme était insuffisante pour les voir tous, envoya sur le champ un dieu pour mettre fin à cette visite et faire que le cortège rentre au ciel … au plus vite.

 

De ce fait, Mātali dit à Nemirāja : Noble roi, maintenant que tu as vu certains des lieux ou les pécheurs et les hommes cruels viennent terminer leur Karma, hâtons-nous d’aller rejoindre le roi des cieux.

 

Au ciel, le séjour de Nemirāja fut agréable et les dévas auraient bien aimé qu’il y restât plus longtemps. Pour ce faire, Indra proposa à Nemirāja de devenir le roi des cieux. Mais ce dernier, conformément à sa ligne de conduite, déclina la proposition et s’en retourna sur terre en survolant des paradis.

L’âge aidant Nemirāja abdiquera, et comme pour mettre un point d’orgue à sa vie de saint homme il terminera son existence sous l’habit de couleur safran.

 

Nota : Ce jātaka (*) est beaucoup plus long. Mais le peu que j’en ai donné suffit à illustrer le sujet de cette chronique et surtout, à montrer que les créateurs des jardins des enfers n’ont rien inventé, ou si peu, en matière de cruauté et de scènes infernales.

 

(*) Les jātakas sont des récits édifiants, écrits sous forme de conte, se rapportant aux (supposées) vies antérieures de Bouddha. Ce sont généralement d’anciens contes populaires prébouddhiques appartenant au folklore Hindou, certains seraient même d’origine préaryenne.

 

Officiellement la tradition en donne 550. Mais depuis l’établissement de cette liste il en a été retrouvé quelques autres, au Laos entre autres et au Cambodge. Le jātaka concernant le prince Nemi est le 541ème d’une liste en comptant 547. Ces 547 jātakas ont fait l’objet d’une collection de vingt-deux livres, dont le dernier porte le nom de ‘’Mahānipata‘’ c’est-à-dire les grands jātakas, ou ‘’dasajati‘’ les dix jātakas. En Thaïlande ce livre porte le nom de ‘’Thotsachat‘’.

 

Ce ‘’Mahānipata‘’ contient donc les dix derniers jatakas qui sont les plus longs de tous et qui de ce fait comptent le plus grand nombre de vers ou … ‘’gātha‘’. La versification, grâce au rythme qu’elle impose, permet aux moines de mieux retenir les textes qui sont appris par chœur. 

 

Au Lanna comme au Siam et en Isan la plupart des peintures murales des Viharns illustrent l’un de ces dix jātakas dont le plus représenté est le Vessantara qui met l’accent sur l’importance du don, y compris le don de son corps.

 

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Photo 1 : Le Wat Buak Khrok Luang (วัดบวกครกหลวง) de Chiang-Mai hors les murs/Est.

Cette fresque de style Lanna réalisée par des Tai Yai (Shans), encadre et chapeaute la porte nord du Viharn. Elle est la quatrième sur quatorze et compte plus de 130 ans d’âge.

C’est le Nemirāja-Jataka qu’elle illustre. Nemirāja conduit par Mātali, parcourt les cieux. L’attelage est représenté deux fois et est peint entre les Paradis et les enfers.

Tout en haut de la fresque figurent les somptueuses bâtisses du ciel où vivent les bienheureux, et tout en bas, à gauche et à droite, ont été peints des damnés, des marmites et des bourreaux.  (Photo de 2013)

Photo 2 : Le Wat Tung Yu de Chiang-Mai intra-muros. Avec cette peinture, l’artiste Nikom Sin (นิกม ศินป่) de San Pa Tong, a réalisé une œuvre originale. Ce n’est ni une copie de l’image de Phra Thewaphinimmit comme il en existe dans de très nombreux Viharns, ni l’un des enfers décrit dans les textes, mais une allégorie toute personnelle. (Photo du 08.08.2018).

Photo 3 : Le Wat Tung Yu de Chiang-Mai intra-muros. Détail de l’allégorie des enfers peint par l’artiste Nikom Sin. (Photo du 08.08.2018)

Photo 4 : Le Wat Chiang Yeun de Chiang-Mai hors les murs Nord. Cette peinture est une reproduction d’une image de Phra Thewaphinimmit (พระเทวาภินิมมิต) intitulée ‘’Phra Nemi‘’. (Photo de décembre 2012).

 

 

Moggallāna ex Kolita (*)

 

(*) Kolita était le nom d’origine de Maudgalyāyana qui en pali se dit Moggallāna, et en sanscrit Mahāmaudgayāyana.

 

Le nom de Moggallāna (pāli) est souvent associé à celui de Sāriputta (pāli) ex Upatissa, qui était son meilleur ami. La légende raconte qu’ils seraient de la caste des Brahmanes, nés le même jour, dans le même village, et qu’ils seraient décédés à un mois d’intervalle, un peu avant l’extinction de Bouddha.

 

Alors qu’ils étaient encore de jeunes hommes d’une vingtaine d’années et pleins d’avenir, ils se rendirent, comme à leur habitude, à une grande cérémonie religieuse. Lors de cet événement liturgique et après mûre réflexion concernant leur … ‘’salut‘’, ils vont prendre la décision de rejoindre la secte ‘’Paribbajaka‘’ dont il est beaucoup question dans leur région et à la tête de laquelle se trouve un respectable ascète portant le nom de Sañjaya Vairaṭputra ou Sañjaya Belatthiputta.

 

Après quelques 20 ans passés au sein de cette secte, ils vont comprendre que l’enseignement de cet ascète a ses limites et qu’ils doivent chercher un autre ‘’guru‘’ en mesure de répondre à leur recherche spirituelle. Ils ont alors une quarantaine d’années.

 

Les circonstances vont conduire Sāriputta à rencontrer un certain Assaji, lequel vient tout juste d’entrer dans la secte d’un certain Sakyamuni. Assaji parle avec tant d’enthousiasme de son maître, que les deux amis décident de le rencontrer. Ils proposent même à Sañjaya de se joindre à eux. Ce dernier refuse catégoriquement. De ce fait, et avec deux cent cinquante adeptes de cette secte Moggallāna et Sāriputta vont aller rejoindre la communauté de ce … Sakyamuni dont l’enseignement trouvait de plus en plus d’oreilles attentives.

 

Suite à ces … ‘’défections‘’ l’ascète passera de vie à trépas en crachant tout son sang, précisent les textes.

 

Bouddha le prescient aurait attendu les disciples de cette secte, et plus particulièrement Moggallāna et Sāriputta dont il fit ses deux disciples principaux, en leur donnant, après ordination, le titre d’aggasāvaka, c’est-à-dire de chef de ses disciples. Ce qui ne manqua pas de faire des jaloux ?!...

 

Aux côtés de Bouddha, chacun de ces deux hommes va se distinguer au moyen de dons particuliers. Moggallāna, qui bénéficie d’une force magique d’exception, va exceller dans les phénomènes mystiques surnaturels. (siddhi) ; et Sāriputta, qui dispose d’un état de conscience hors du commun, va briller dans le fait de rendre audible à tous la science de la doctrine. (prajña).

 

L’un comme l’autre aurait même été aux côtés de Bouddha dans quelques-unes de ses vies antérieures. C’est du moins ce qui semble se dégager de certains des jātakas, une trentaine, selon des chercheurs avertis.

 

Grâce à ses dons, Moggallāna se transportait dans les airs, (*) et parfois, à la demande de Bouddha, il partait sur le champ pour demander à certains moines de réadapter leur conduite en fonction de leurs engagements initiaux. Indra lui-même, le dieu des dieux, recevra sa visite, et pas précisément pour être complimenté, bien au contraire ; Indra ne serait pas aussi parfait qu’on pourrait le penser ?!.... Les dieux auraient aussi leurs faiblesses !...

 

(*) Ce déplacement dans les airs n’est pas sans faire penser au don d’ubiquité du prêtre et religieux Italien Padre Pio (1887-1968) ?!... Un don qui lui permettait, selon des témoins, d’être vu en différents endroits à la fois.

Moggallāna surpassait en connaissances expérientielles, et de loin, tous ses confrères que ce soient le moine Anuruddha et la nonne Sakula qui avaient le don de la vue supranormale (L’œil divin), le moine Sobhita et la nonne Bhadda Kapilani qui connaissaient le passé, Cula Panthaka qui voyageait dans l’astral comme un poisson dans l’eau, et Pilinda passé maître dans les communications célestes. Il avait les dons de claire voyance, de claire audience et la pénétration de l’esprit d’autrui. 

 

Cependant, si dans le ‘’Vimānavatthu‘’ ou le ‘’Dhammapada‘’ il est fait état de quelques-uns des passages de Moggallāna au Tāvatiṃsa, c’est-à-dire dans le monde des dieux, aucun texte canonique ou paracanonique du theravada ne rapporte la moindre visite de ce dernier aux enfers ?!...

 

Seule la littérature Bouddhique theravada du Nord, Tai-Lao et Lanna y compris, recèle de nombreux récits se rapportant aux pérégrinations de Moggallāna, dont des visites aux enfers. Ces textes, locaux et hétéroclites, ont en commun de mettre en scène des damnés qui supplient le saint homme d’aller auprès des leurs, vivants encore sur terre, pour les conjurer d’accomplir des œuvres méritoires en leur faveur afin d’abréger leurs souffrances.

 

Ce serait dans le cadre de cette littérature locale impliquant Moggallāna que serait née au Laos la célébration du riz ornant la terre ou ‘’Slặṅ Khao praḍap ḍin‘’. Le texte de la légende, entérinant ou à l’origine de ce culte, conte que c’est le Bouddha lui-même qui aurait soufflé à Moggallāna de suggérer à ses interlocuteurs, et demandeurs, la création d’un rituel en faveur de leurs parents défunts pour, précisément, soulager leurs souffrances aux enfers. (*)

 

Ce culte dédié aux morts n’est pas sans rappeler ceux qui se pratiquent en Chine sous les bons auspices d’un certain ‘’Mùlián‘’ dont le nom, particulier au Bouddhisme Mahāyāna, se confond avec celui de Moggallāna, particulier au Bouddhisme Theravada. Moggallāna est aussi appelé Muc Liên au Vietnam, Mokuren au japon et Bok Lian à Java.

 

De-là à penser que les légendes et certains des rites se rapportant à Mùlián soient parvenus au Laos via le Sip Song Panna ou le Vietnam, et que ce dernier ait retrouvé son nom d’origine il n’a qu’un pas … que je ne ferais pas car ce n’est pas l’objet de ce texte, cependant rien n’interdit de prendre l’hypothèse en considération ?!...

 

Quoiqu’il en soit, au Laos et au Lanna, les voyages ‘’célestes‘’ de Moggallāna donneront naissance, entre autres, aux quatre récits suivants : 

 

Mokkala Loṅ Lôk            (Moggallāna parcourt le monde)

Mokkala Loṅ Tip             (Moggallāna visite le ciel)

Mokkala pai du narok     (Moggallāna va aux enfers)

Mokkala tham pet           (Moggallāna interroge les preta)

 

(*) Cette fête n’est pas sans rappeler Yee Peng. Le Wat Mae Kaet Noi organise depuis peu un festival des fantômes ainsi d’ailleurs que la Ville de Lamphun. A Lamphun il s’agit du ‘’Salak Yom festival‘’. En 2018 il se tiendra du 22 au 24 Septembre au Wat Hariphunchai. 

 

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Photo 1 : ‘’Les éminents disciples de bouddha‘’, une page extraite d’un manuscrit birman. Sur la rangée du haut figurent : Kondańńa, Ashin Sariputta, Ashin Moggallana et Angulimala. Il est spécifié au sujet de Moggallana, qu’il détient le plus puissant pouvoir surnaturel après bouddha … et qu’il était capable de transmettre des messages venant du ciel et des enfers.

Photo 2 : Buddassa Asarasa ou Phra Bouddha Attharot, du Viharn du Wat Chédi Luang de Chiang-Mai. Aux côtés de Bouddha se trouvent, à sa gauche Moggallāna et à droite Sāriputta.

Photo 3 : Une amulette à l’effigie de Bouddha et de ses disciples : Moggallāna et Sāriputta

 

Phra Malai :

 

Phra Malai ou Tep Malai aurait été un Théra (Titre honorifique) d’origine cingalaise originaire du village de Kambojanagāma dans le Laṅkādipa ou l’île de Lanka (Sri Lanka).

 

Ses mérites et ses grandes connaissances parapsychologiques le plaçaient bien au-dessus du commun des mortels. Il aurait été un ‘’arahant‘’ c’est-à-dire un saint homme dont les pouvoirs surnaturels lui permettaient de voyager dans l’au-delà c’est-à-dire tant au paradis qu’en enfer … lorsqu’il méditait.

 

C’était au retour de ces voyages … légendaires … qu’il racontait, à ses confrères et aux laïcs, ce qu’il avait vu dans l’au-delà, et comment il accordait sa miséricorde et quelques soulagements aux damnés qu’il croisait. Des damnés qui sans exception l’imploraient de rapporter à leurs proches encore sur terre la nature de leurs souffrances et comment il était possible de les adoucir, voire de les abréger en acquérant des mérites à leur profit. Ces mêmes damnés, par la voix de Phra Malai, encourageaient aussi les leurs pour acquérir des mérites et ainsi éviter la damnation.

 

L’histoire de ce P hra M alai est en fait tiré du ‘’Malai Sutra‘’ un sutra écrit par un bonze Ceylanais en pāli vers 1153 ; ce sutra, le ‘’Maleyyadevatthera-Vattu‘’ (*) a été copié en langue ‘’kam muang‘’ par un religieux de Chiang-Mai au XVIIIe siècle sous le titre de ‘’T’hika Malay‘’. Mais le plus ancien manuscrit de Phra Malai retrouvé à ce jour et écrit en langue ‘’tham‘’ (langue du Nord-Lanna) date de 1516. Il a été microfilmé par l’université de Chiang-Mai et l’original est conservé au Wat Kittiwong de Mae Sariang dont l’abbé a la passion des anciens manuscrits.

 

(*) Tous les ‘’Malai Sutra‘’ en langues locales sont respectueusement traduits et copiés à partir du texte original en pali. Ce qui n’élimine pas certaines erreurs de transcription, cependant, et en principe, les textes sont tous conformes et identiques à l’original.

Traditionnellement le texte était gravé sur des feuilles de palmier, sans aucune illustration, ou très rarement. Puis avec les ‘’samut koï‘’, livre se pliant en accordéon, de la fin du XVIIIe, apparurent les premières illustrations et les pages manuscrites recto/verso.

 

Dans ce sutra les légendes racontent comment, lors de sa présence en enfer, Phra Malai a été, entre autres faits spectaculaires ou Pāṭihāriya, à l’origine d’une pluie salvatrice, et l’auteur du refroidissement des eaux de la marmite ou cuisent les damnés, entre autres … ‘’miracles‘’ qui, un court instant, mirent fin aux souffrances des damnés.

 

Ces exploits, et tant d’autres, contribuèrent à la notoriété de Phra Malai dont il n’est pas rare de voir une peinture murale le mettant en scène dans nombre de Viharn. Ces peintures ne sont souvent que la copie de l’une des quatorze images mises en vente par les éditions ‘’S. Dharmabhakti‘’ et créées par ‘’The Yamato/Process Japan‘’. (*)

Mais, Phra Malai … a-t-il vraiment existé ?... Personnellement, j’en doute.

 

(*) Ces images de 51 centimètres sur 86, constituent une collection de quatorze illustrations, dont sept sont consacrées aux enfers.

En bas de ces images il est imprimé : ‘’fabriqué pour être donné en offrande (sous-entendu au Wat) afin de transférer des mérites (sous-entendu aux défunts) ‘’

Le don d’une image pieuse à un temple ou la rémunération de la création d’une peinture murale à l’intérieur d’un Wat donne lieu à l’attribution de mérites. Les images et les fresques concernant Phra Malai sont aussi génératrices de mérites, à la différence qu’il est possible de transférer les mérites acquis à un défunt pour alléger son karma. Ce transfert se fait à l’occasion d’une cérémonie appelée ‘’Uthiś‘’ (อุทิศ)

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                         L’enfer de Saṅghātau (Heurter l’un contre l’autre)

                                (Le treizième enfer annexe de l’enfer Sañjīva)

 

Cet enfer, représenté dans pratiquement tous les Samut Koï, s’adresse aux damnés qui leur vie durant se sont adonnés à l’adultère, les hommes avec la femme d’autrui, et les femmes avec un homme marié.

Le ‘’Nemirāja-jātaka‘’ précise que l’enfer ‘’Saṅghātau‘’ est plus particulièrement réservé aux femmes adultères, alors que le quatorzième enfer, le ‘’Vasira‘’ ou’’Avaṃsira (tête en bas) (*) est plus particulièrement réservé aux hommes.

Mais le quinzième enfer, le ‘’Lohasimbali‘’ (L’enfer des faux cotonniers de fer) est aussi dévolu à ceux qui ont commis l’acte d’adultère. Ce qui me fait écrire que les bouddhistes seraient aussi polissons que les chrétiens, encore que ! … Car si le nombre des enfers est au prorata du nombre des libertinages, les bouddhistes remportent sans conteste la médaille d’or. En effet, les Chrétiens, jusqu’à preuve du contraire, n’ont … qu’un enfer ?!...

 

(*) L’enfer de ‘’Vasira‘’ ou ’’Avaṃsira signifie … ‘’tête en bas‘’ parce que les bourreaux, qui sont très, mais très grands, tiennent les damnés par les pieds et les plongent la tête la première dans le bain bouillant d’un chaudron infernal.

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Entre le VIIIe et IXe siècle, à Java, il a été construit, en forme de lotus le plus grand temple bouddhique Mahayana du monde : ‘’Borobudur‘’. Borobudur est comme un livre de pierres qu’on pourrait intituler ‘’Les trois mondes‘’. De ce fait chacune de ses dix terrasses correspond à une étape qu’un bodhisattva doit atteindre pour parvenir à la Bouddhéité. Par voie de conséquence la base du monument est consacrée aux enfers et aux fautes commises qui lui correspondent. Le 92e panneau de la face ouest et moitié nord, concerne l’adultère comme les trois images précédentes.

 

Toujours est-il que les ‘’Malai Sutta‘’ se composent de trois parties qui au Laos et au Lanna sont nommées : ‘’Malai Mun‘’, ‘’Malai Sên‘’ et ‘’Malai Pôthisăt‘’.

 

1/ Le ‘’Malai Mun‘’ (Malai des dix-mille). Cette première partie raconte qu’au sein du Tāvatiṃsa, le monde des dieux, Phra Malai s’entretient, non sans plaisir, avec nombre de rois, Théras et hommes de bien, dont certains étaient des compatriotes … apparemment connus de son auditoire de contemporains ?!...

 

2/ Le ‘’Malai Sên‘’ (Malai des cent mille). Cette deuxième partie rapporte un dialogue entre Phra Malai et le Dieu Indra. Phra Malai interroge Indra au sujet de la venue sur terre du Bodhisattva Ariya Metteyya, le futur bouddha Maitreya ; ce dernier était d’ailleurs présent lors de l’entretien, mais en méditation au pied du Chulamani (Cūḷamaṇi), le Chédi céleste qui recèle quelques cheveux de Bouddha. (J’ai lu aussi, qu’il se serait agi du chignon de Bouddha ?! …).

 

3/ Le ‘’Malai Pôthisăt‘’ (Malai). Cette troisième et dernière partie relate la visite de Phra Malai aux enfers et les rencontres qu’il y fait avec des défunts de fraîche date, là-encore connus de son auditoire.

 

Ces damnés lui demandent alors, dès son retour sur terre, de rappeler à leurs proches l’importance de la fidélité aux préceptes bouddhiques et de l’acquisition de mérites ; des mérites qui leur seront comptés quand viendra l’heure du jugement, et qui abrégeront les souffrances de ceux dont Phra Malai se fait le porte-parole. (Comme déjà écrit, les mérites sont transmissibles à un tiers.)

 

Comme pour les jardins des enfers, ces peintures n’avaient d’autre but que de frapper les esprits, voire leur inspirer de la crainte pour les conduire dans la voie de la bonne loi, c’est-à-dire celle du dharma.

 

Outre ces peintures à faire peur, il exista un temps durant, une autre méthode pour inspirer de la crainte aux … ‘’pécheurs‘’, celle des ‘’jeux‘’ donnés à l’occasion de la lecture d’un ‘’Phra Malai Klon Suat‘’ (PMKS) (*)

 

Selon le professeur Trisilpa Boonkachorn de l’université de Chulalongkorn de Bangkok, le Klon Suat aurait été un genre s’approchant d’un ‘’théâtre comique‘’ en chambre (*) faisant appel au chant à la déclamation et à l’improvisation ; un genre qui en son temps trouvait les faveurs du public, ce qui ne serait plus le cas aujourd’hui à cause du changement des mentalités … encore que ! …

 

(*) Ce genre de ‘’séance‘’ renaît actuellement en France et tend à se développer.

Une famille invite une troupe de deux ou trois artistes, moyennant finance, à se produire dans son logement, et invite quelques amis pour la représentation.

Certains diront qu’il s’agit d’un sous-produit du café-Théâtre, ce qui n’est pas faux, mais il n’en demeure pas moins que c’est un ‘’sous-produit‘’ de qualité qui tient à la performance des artistes qui le plus souvent font … du ‘’café-théâtre‘’.

 

 

Cet art populaire, était pratiqué par des acteurs locaux, en l’occurrence des moines venus réciter l’Abhidhamma auprès d’un défunt gisant alors dans son cercueil. Le … ‘’jeu‘’, avait lieu la veille de la crémation, en présence de la famille et des amis du mort, voire des gens du voisinage.

 

En vue de ce divertissement, les moines se maquillaient et s’équipaient de quelques accessoires pour rire sur le dos de certaines communautés (Chinoise, occidentale ou autres ! …) voire -peut-être- de quelques personnalités locales comme le faisait en son temps les comédiens dits italiens de la commedia delle Arte en France, à la différence qu’au Siam les moines restaient immobiles, assis en tailleur face au public et qu’avant le … ‘’divertissement‘’ ils se cachaient le visage au moyen de leur talabat (genre d’éventail) pour dire les textes de l’Abhidhamma qui eux, demandaient du respect et du recueillement.

 

Lorsque s’achevait la récitation de l’Abhidhamma, les moines laissaient alors tomber leur talabat et à visage découvert, mais maquillés, changeant d’accessoires selon les circonstances, chantaient et déclamaient les chapitres du Phra Malai dont ils respectaient le texte à la lettre près, tout en improvisant joyeusement à certains moments lorsque l’occasion s’offrait à eux.

 

Certes, le public se divertissait mais par le biais du rire il entendait ce qu’il fallait entendre pour vivre en bon bouddhiste et échapper aux souffrances des enfers.

 

Le roi Mongkut dit Rama IV (1804-1851-1868) aurait mis fin à ce genre de manifestations ?!... La cour de Bangkok se laissait alors de plus en plus influencer et imprégner par la culture occidentale, et cela au détriment d’une culture populaire bon-enfant comme en connut la France au moyen âge avec les jeux, les sotties et puis les farces. Mais c’est à partir de cette époque qu’il fallait mettre le Siam sur un pied d’égalité avec les puissances occidentales.

 

Les supérieurs à l’origine des jardins des enfers sont donc les dignes successeurs de (ou des ?) l’auteur (s ?) du Sutra Phra Malai, à la différence qu’aucun d’entre eux ne prétend avoir voyagé dans l’au-delà ?! … A moins que ?!... Ne sait-on jamais ?!...

 

(*) Il existe un texte intitulé ‘’Phra Malai Kham Luang‘’ (PMKL) dont l’auteur serait le prince Ayutthayan Thammathibet d’Ayutthaya (?-1746). Ce texte est lui aussi fidèle au texte d’origine en pāli, mais écrit dans une langue compréhensible par seulement une élite religieuse composée de grands lettrés, car ce texte est composé au moyen de caractères cambodgiens à l’origine d’une langue sacrée. Le texte est écrit en lettres de couleur … or.

Nota : En Extrême-Orient, dans le Mahāyāna bouddhiste, il existe un moine portant le nom de Kṣitigarbha (Trésor de la terre) en Chine, de Dizàng au Japon et de Jizō en Corée, qui n’est pas rappeler Phra Malai du Théravāda bouddhiste, car l’une de leur particularité est d’avoir fait le serment d’atteindre la ‘’bouddhéité‘’ que lorsque les enfers se seront vidés de tous les damnés. Les faits et gestes, ou légendes concernant ce Kṣitigarbha sont relatés dans le … ‘’Kṣitigarbha sutra‘’ … le pendant du ‘’Malay sutra‘’.

 

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           A propos de quelques images vues sur nombre de Leporellos.(XVIIIe)

Photos 1 & 3 : Sur ces images, les moines ont terminé de réciter l’Abhidhamma. C’est pourquoi leur talabat a laissé place à des visages maquillés. De ce fait, tout en respectant le texte original du Phra Malai sutra, ces moines vont improviser sans retenue sur les souffrances de l’au-delà et sans aucun doute sur les mœurs des autorités en place quand il sera question du dixième enfer, celui où les damnés, d’anciens représentants de l’autorité, sont condamnés à manger leurs excréments.

Ces improvisations étaient faites pour amuser le public certes, mais aussi pour l’éduquer et le mettre en garde sur les risques encourus lorsque les préceptes bouddhiques n’étaient pas respectés.

Rama IV, qui pendant vingt-sept ans a sillonné la Thaïlande en tant que moine n’était pas sans connaître ses peuples, une mosaïque ethnoculturelle et religieuse, ainsi que ces pratiques dont des dérives pouvaient en découler, comme par exemple à l’encontre des autorités en place. Alors il a interdit aux moines de se livrer à ce genre d’exercices. Mais des moines défroqués, donc de parfaits connaisseurs des textes, ont fait perdurer cet art un certain temps. Puis par manque d’interprètes qualifiés cet art populaire a disparu, d’autant que pour recevoir certains honneurs créés tout spécialement pour les moines de la communauté monastique, il valait mieux … rester dans le rang, plutôt que de s’en démarquer. Quel homme résiste aux médailles ?...

Photo 2 : Sur cette image, les moines ont le visage caché par leur talabat, ce qui signifient qu’ils récitent l’Abhidhamma, tandis qu’en communion avec eux, le public se recueille en les écoutant ou en les entendant ?!... Parfois, sur l’image opposée figure une urne dans laquelle doit se trouver le défunt. Ce qui confirme la récitation de l’Abhidhamma.

Les deux premières images sont extraites de manuscrits ou livres en accordéon que détient la British Library référencée o 14.338, folio 86.

 

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Une illustration montrant Phra Malai visitant les enfers et les paradis. Cette peinture, datant de la deuxième moitié du XIXe siècle, est exposée dans la maison de Jim Thomson de Bangkok.

 

 

Avant-propos : Lors de la visite du jardin des enfers il sera beaucoup question de Prêtas. Mais qu’est-ce qu’un prêta (เปรต) ?

 

Ce mot d’origine sanskrit signifie parti, défunt, mort, trépassé, esprit d’un mort avant son incinération, revenant, mauvais esprit, fantôme.

Yama le roi des morts porte le titre de Pretarāja, entre autres titres.

Le bouddhisme a hérité de ce mot de l’hindouisme et lui a donné une signification, pas très éloignée de l’initiale, mais propre à sa doctrine.

Au temps de Bouddha des prêtas avaient été vus par Moggallāna, grâce à ses pouvoirs surnaturels, dans les environs de Rájagaha dans le Nord/Est de l’Inde. Rájagaha était alors la capitale des Magadha.

 

Ces prêtas, invisibles au communs des mortels, existaient alors sous forme de fantômes vivant dans les airs, et ayant maille à partir avec les tortures et les tourments dont ils étaient affligés.

 

Avec le temps leur statut a quelque peu changé. Les prêtas ont posé les pieds sur terre, et dans les enfers ils seraient devenus visibles à l’œil humain. Tous seraient affligés d’une insatiabilité permanente en rapport avec des frustrations qu’ils auraient connues du temps de leur vie en tant qu’hommes. Ces insatisfactions concerneraient l’alimentation, l’affectif, la sexualité et autres besoins matériels et spirituels propres à la race humaine !...

 

De ce fait ils ont une morphologie qui les empêche d’accéder à leur moindre besoin d’insatiabilité. Ainsi, par exemple, le corps d’un prêta tenaillé par la faim se constitue d’organes qui vont à l’encontre de cette possibilité. Il est d’une maigreur à faire peur, doté d’un ventre énorme, mais vide et qui ne demande qu’à être rempli ; de plus il est ‘’équipé‘’ de mains gigantesques qui ne lui permettent pas de saisir le moindre grain de riz. Si par hasard il y parvenait, il aurait les plus grandes difficultés pour l’ingérer car sa bouche n’est pas plus grande que le chas d’une aiguille ; enfin, il a un cou d’une telle longueur et d’une telle maigreur qu’il est difficile au moindre aliment de rejoindre l’estomac en passant par l’œsophage.

 

Ces esprits sont bien évidemment maléfiques car ils peuvent lancer des sorts et donner des maladies qui ne sont pas sans rapport avec leurs frustrations.

 

Dans le jardin des enfers du Wat Mae Kaet Noi, il y a certes des prêtas, mais souvent, damnés et prêtas se confondent.

 

 

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                                                 Trois prêtas parmi d’autres !...

Photo 1 : Un prêta à la bouche en cul de poule qui prenait plaisir à mentir, et à jurer contre ses parents. (เปรตปากจู่ชอบพูดโกหกผู้ส่อเสียดพูดคำหยาบชอบด่าพ่อแม่ตนเอง). Mais pour qui en enfer, il doit être difficile d’ingurgiter un grain de riz. (Photo du 16.04.2018)

Photo 2 : Les mains d’un prêta qui n’a pas fini de souffrir pour saisir le moindre grain de riz ?!....  (Photo du 16.04.2018)

Photo 3 : Un preta à la langue pendante qui, lui aussi prenait à plaisir quand il n’était qu’un être humain, à mentir, à jurer et à tromper ses semblables.

 

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                                                 L’entrée du jardin des enfers.

                                                             (Photo du 20.07.2018)

 

Le jardin des enfers du Wat Mae Kaet Noi :

 

Pour bénéficier au mieux du jardin des enfers, se munir de nombreuses pièces de 10 bahts. La première vous servira à pousser la barrière d’accès au jardin, et les autres, si la langue thaïlandaise vous est familière, à écouter les commentaires concernant certaines scènes, voire à entendre les plaintes et les gémissements des damnés … qui eux, s’entendent et se comprennent sans besoin de traduction.

Dès votre entrée une image de Phra Kruba Srivichaï (พระครูบาศรีวิชัย) (1878-1938) le grand saint patron du Lanna, celui qui est à l’origine de la route qui conduit au Wat du Doï Suteph, vous souhaite la bienvenue.

 

Le jardin se compose de deux parties que sépare une large allée. A votre gauche il y a le monde des dieux ou Tavatiṃsa, et à votre droite celui des enfers.

 

Le Tāvatiṃsa

 

Pour entrer dans le monde des dieux il suffit de franchir une porte devant laquelle se tiennent deux jeunes moinillions hilares tenant une sébile et qui sur son faîte supporte un Phra Phrom (Brahma) soupçonneux, mais avec sa cinquième tête, (Ce qui est rare) celle qui lui fut tranchée parce que ses yeux ne pouvaient se détacher des créatures de rêves passant alentours.

 

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A tout seigneur tout honneur : le premier espace est dédié à Siddhârta Gautama, le futur bouddha Sakyamuni. Huit tableaux relatent huit temps forts de son existence dont, sa naissance, son premier sermon à cinq ascètes, son éveil, sa protection par le roi des nagas, sa mort ou parinirvâna.

 

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Photo 1 : Bouddha prenant la terre à témoin, quelque temps avant son éveil. (Photo du 02.06.2018)

Photo 2 : Les retrouvailles avec le groupe des cinq ascètes.

Au début de sa recherche spirituelle, Bouddha avait rejoint ce groupe, qu’il quitta vite, faute de résultat probants. Par la suite, au hasard d’une rencontre avec Bouddha, les cinq ascètes, dont la rancune persistait, s’entendirent pour laisser libre cours à leur rancœur. Mais Gautama était devenu Bouddha et les cinq renonçants après avoir entendu son enseignement voulurent devenir arahant. Les 5 sramanas se nommaient : Kondanna (โกณฑัญญะ), Bhaddiya (ภิททิยะ), Vappa (วัปปะ), Mahanama (มหานามะ) et Assaji (อัสสชิ). (Photo du 15.08.2018)

Photo 3 : Bouddha en méditation sauvé de la noyade et protégé de la pluie par le roi des Nagas Muchalinda ou Mucilinda. (Photo du 02.06.2018)

 

Contiguë à ce premier espace il en existe un deuxième avec seulement trois reconstitutions sans grand intérêt. La troisième aire, beaucoup plus importante que les deux premières réunies, nous convie à une promenade au sein du monde des dieux, dont certains sont reconnaissables tandis que d’autres sont … ‘’condamnés‘’, du moins en ce qui me concerne, à l’anonymat … éternel.

 

Dans cet espace, outre le monde des dieux nous avons aussi droit à quelques représentations se rapportant au ‘’Jambudvipa‘’ et plus particulièrement à un spécimen d’arbre merveilleux, le ‘’nārīphala‘’ ou ‘’nārīphon‘’ (นารีผล) (*) dont nombre de ses semblables couvrent une parcelle de l’Himaphan ou l’Himavanta, la forêt mythique des saintes écritures bouddhiques.

 

(*) Cet arbre est aussi appelé ‘’Maiden tree‘’ c’est-à-dire ‘’arbre à jeunes filles‘’. Messieurs Georges Cœdès et Charles Archaimbault, dans leur traduction des trois mondes reprennent le mot pāli de ‘’nārīphala‘’ qui s’écrit aussi ‘’Makkaliphala‘’.

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Photo 1 : Cette scène reprend l’une des images qui figure dans pratiquement tous les ‘’samut Koï‘’ à savoir un brave homme offrant des fleurs à Phra Malai pour qu’il les dépose, à l’occasion d’une visite au paradis, au pied du Chulamani, le saint Chédi édifié par Indra et où sont enchâssés quelques cheveux du Bouddha. Ce geste vaudra au brave homme de se retrouver … au paradis. Ce qui signifie que pour accéder au paradis le don est un sésame infaillible, quel que soit votre condition d’origine. Comprenne qui pourra ?! …

Photo 2 : Le ‘’nārīphala‘’ est un arbre merveilleux qui donnent naissance à des jeunes filles toutes plus belles les unes que les autres. Il est possible de les … cueillir et d’en disposer à son gré, ce qui n’est pas sans danger ; car elles sont là pour deux raisons, mettre à l’épreuve la convoitise des hommes et, nourrir les Gandharvas, des êtres célestes car ces jeunes filles naissent pour faire don de leur corps, le don suprême par excellence.

Photo 3 : Cet oiseau trônant tout en haut de la porte de sortie des paradis n’est autre qu’un ‘’Hastilinga‘’ en langue sanscrit et un ‘’Nok Hatsadiling‘’ (นอก หัสดีลิงค์) en langue Thaï, c’est-à-dire un oiseau sorti tout droit de l’himaphan, un lieu mythique du bouddhisme peuplé de créatures plus extraordinaires les unes que les autres. Cet oiseau, dans le cas qui nous concerne, porte un Prasat symbolisant le mont Méru, c’est-à-dire le monument funéraire où sont incinérés les hauts dignitaires.

 

L’origine du ‘’Nok Hatsadiling‘’ : Pour l’incinération de son père, le fils du roi Mengraï, le fondateur de ce qui allait devenir le Lanna, fit bâtir trois Prasats. La construction du Prasat pour les incinérations royales perdurera, dans le Nord en général et au Lanna en particulier, jusqu’en 1578.

Cette année-là, l’un des derniers descendants de cette dynastie, la reine Nang Phaya Visudhevi fut incinérée en faisant l’objet d’un nouveau rituel, où le ‘’Hastilinga‘’ prit une place … prépondérante.

 

Le Hastilinga ou ‘’Nok Hatsadiling‘’ (*) est un oiseau mythique composé d’un corps d’oiseau, et d’une tête d’éléphant. Il a sur son cou des écailles de naga. Lorsqu’il est matérialisé pour une crémation, les ailes, les oreilles et la trompe sont mobiles.

 

L’origine de cette construction funéraire est due à Phraya Saen Luang qui ordonna les obsèques de sa reine. Sur une espèce de radeau en bambou ou ‘’ruaphae (เรือแพ) fut construit un énorme Hastilinga. Ce dernier était si grand et si large qu’il fallut, à l’époque, percer une brèche dans le rempart pour que le convoi, tiré par un éléphant puisse se rendre au Wat Lok Moli, le lieu de l’incinération. Tout au-dessus de l’oiseau, il avait alors été fixé un Prasat qui contenait l’urne dans laquelle se trouvait le corps de la reine.

 

Ces fêtes, la mort au Lanna est une délivrance et non une peine, duraient une bonne semaine. Ces incinérations prirent fin, pour les rois et hauts dignitaires laïcs avec les derniers rois du Lanna mais, elles perdurent aujourd’hui avec les incinérations des hauts dignitaires religieux. Assister à ce genre d’incinération donne des mérites.

 

(*) Il est question du ‘’Nok Hatsadiling‘’ dans plusieurs jātakas ; et il n’est pas improbable que la puissance de cet oiseau ait été à l’origine de sa matérialisation pour donner l’assurance aux humains que le décédé atteignait vraiment le Nirvana. Le ‘’Nok Hatsadiling‘’ aide donc les hommes à passer de la vie à la mort, mais plus exactement du monde des humains au monde céleste.

 

Quelques légendes où il est question du Nok Hatsadiling :

C’est à cheval sur le dos d’un Nok Hatsadiling que le prince Sudhana, durant 7 ans, 7 mois et 7 jours chercha son épouse Manoharā, une Kinnari mi-femme, mi-oiseau, qui avait été contrainte d’aller se réfugier chez son père le roi du royaume de Kimnara. (Sudhana Jataka – Paññāsa jatāka).

 

Un nok Hatsadiling est lié à la création d’Hariphunchai (Lamphun). Car c’est un nok Hatsadiling qui lâcha du haut du ciel une conque géante qui donna à la ville sa forme actuelle, la forme d’une conque conformément à la tradition mône.

 

En Isan le ‘’Nok Hatsadiling‘’ fait peur. Sa tête est coupée avant l’incinération, sans doute pour qu’il n’emporte pas le mort pour le manger. Car dans un jataka cet oiseau confond une princesse avec un morceau de chair fraîche, alors il enlève la princesse ?!.... (Lire Charles Archaimbault pour en savoir plus.)

 

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Photo 1 & 3 : un ‘’Nok Hatsadiling‘’ au pochoir pour celui de gauche et peint pour l’autre.

Photo 2 : Comme dit plus haut, pour l’incinération de son père le fils du roi Mengraï fit construire trois Prasats. Or l’artiste qui a mis en scène, sous le porche du Wat Chaimongkon de Chiang-Mai hors les Murs Sud/Est, les événements qui émaillèrent la vie de ce grand roi, n’en a fait qu’à sa tête et peint un ‘’Nok Hatsadiling‘’ encore à venir … pour la crémation du fondateur de Chiang-Mai. (Photo du 02.05.2014)

 

 

Sur le bord de l’allée centrale, debout et majestueux, se tient un couple de descendance royale, Il s’agit d’un petit fils du roi Mongkut dit rama IV et de sa seconde épouse, sans qui ce jardin n’aurait peut-être pas vu le jour.

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Ces deux personnages sont le prince Mom Chao Vongmahip Jayangkura Na Ayudhya (1909-1987) (*) (หม่อมเจ้าวงษ์มหิป ชยางกูร) et sa deuxième épouse, Mome Mè Lamaï Chand-Ngam Jayangkura Na Ayudhya (หม่อมแม่ละไม จันทรงาม ชยางกูร ณ อยุธยา).

Les deux jeunes filles de part et d’autre du couple princier, personnifient – peut-être – les deux nièces de Mome Mè Lamaï Chand-Ngam Jayangkura na Ayudhya.

 

(*) Le prince Vongmahip Jayangkura était le petit fils du roi Mongkut dit Rama IV.

Son père, (HRH) Phra Ong Chao Chaiyanuchit (พระองค์เจ้าชายไชยานุชิต) (1861-1935) était le 55e enfant de la fratrie qui en comptait 82, et le 7e enfant de Chao Chom Manda Tieng (1831-1913) (เจ้าจอมมารดาเที่ยง) sa mère qui mit au monde 10 des enfants de Rama IV.

Ce dernier eut lui-même 23 enfants dont le prince Vongmahip Jayangkura Na Ayudhya fut le treizième. Sa mère Mome Thom Jayangkura Na Ayudhya (หม่อมถม ชยางกูร ณ อยุธยา) s’est éteinte le 20 novembre 1978.

 

Le prince Vongmahip Jayangkura Na Ayudhya, après avoir fait ses études en Belgique mena une carrière de diplomate. Il fut tout d’abord consul au Cambodge (Il n’y avait pas d’ambassade à l’époque) puis ambassadeur aux Philippines et en Belgique dont la Grèce et la Turquie étaient alors rattachées administrativement.

 

Il épousa en premières noces, Mome Mèri Philippath (หม่อมแมรี ฟิลิปปาร์ท) qui lui donna deux garçons, et en secondes noces Mome Lamai Chand-Ngam (หม่อมละไม จันทรงาม).

 

Le 17 août 1987, à l’âge de 78 ans, le prince s’éteignit dans le district de Mae Cho à environ 1 kilomètre du Wat Mae Kaet Noi. Il fut dit alors que le prince venait de connaître ‘’Sinjib-pitaksay (สิ้นชีพิตักษัย) ce qui littéralement signifie : la ‘’fin de la protection ‘’de la vie‘’, car pour un prince de son rang le vocabulaire du commun s’efface au profit d’une langue en rapport avec le rang du défunt. Ses cendres, ceux de sa mère et de sa seconde épouse sont réunis dans un petit stupa du Wat Khao Thaen Luang (San sai) (วัดข้าวแท่นหลวง) (Le Wat du trône de riz) (Photo du 15.07.2018).

 

 

Les Enfers :

 

Ces lieux de villégiature quelque peu spéciaux ont pour objet d’accueillir et de permettre aux êtres détenteurs d’un mauvais karman, de l’épuiser en endossant l’habit de damné. Ce nouvel état les contraint alors à quelques souffrances durant un laps de temps plus ou moins long, qui sont fonctions, les souffrances et le temps, de la nature de leur karma. Mais dès l’achèvement de leur mauvais karma ils pourront renaître exemptés de toute faute.

 

Autrement écrit, quand un être passe de vie à trépas il comparaît tout aussitôt devant Braḥyā Yama ou Yamarāja, l’un des rois des enfers (*) qui, assisté de ses deux ‘’sirigutta āmātya‘’ va décider de son sort.

Les bonnes actions du ‘’prévenu‘’ seront portées sur une feuille d’or pur, et les mauvaises sur une peau de chien.

 

(*) Il y a quatre rois par enfer, ce qui porte leur nombre à trente-deux puisqu’il existe huit grands enfers. (a) Ces rois sont des ‘’Vemānikapreta‘’ c’est-à-dire des pretas jouissant d’un statut particulier qui leur permet de disposer d’un palais pour se loger.

(a) Il existe en fait : 8 grands enfers chauds et huit grands enfers froids alors il y a un … ‘’problème‘’ de comptabilité quelque part ?! …

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Photo 1 : Tout nouvel arrivant doit d’abord aller saluer le roi des enfers dont l’accueil n’est pas fait pour détendre l’atmosphère.  Puis tout aussitôt après ces salutations, sans laisser le moindre répit à son visiteur, le roi des enfers lui demande d’un ton sec : ‘’Quels péchés as-tu commis ? … ‘’ Dépêche-toi de t’en souvenir et que tes réponses soient exactes !... ‘’ (La situation suggère qu’il doit y avoir du monde en attente ?!...)

Photo 2 : Un ‘’sirigutta āmātya‘’ inscrit sur une peau de chien les actes déméritoires commis par le nouvel arrivant.

Photo 3 : Si le ‘’client‘’ mis en accusation révèle qu’il a commis quelques actes méritoires, son nom est porté par un ‘’sirigutta āmātya‘’ sur une plaque en or pur.

La suite dépend de la comparaison entre la liste des fautes et celle des actes méritoires. Cependant, même si les actes méritoires l’emportent, cela ne signifie pas que les péchés s’effacent automatiquement ?! ... Ce serait trop simple ?! …  

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Photo 1 : L’état d’un damné qui sur terre a été un toxicomane et qui a causé nombre de problèmes à son entourage. (Photo du 15.07.2018)

Photo 2 : Des damnés qui autrefois, alors qu’ils étaient des hommes, prenaient plaisir à donner des coups, à attaquer et à tuer des animaux. Ils se retrouvent, en principe, dans le 6e enfer, le ‘’Givaluñca‘’, celui des tueurs d’animaux. (Photo du 15.07.2018)

Photo 3 : Un damné à la bouche ‘’pourrie‘’ (sic) qui sur terre se gaussait de paroles pour dire n’importe quoi, mentir, médire, faire preuve d’impolitesse et injurier autrui.  (Photo du 15.07.2018)

 

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Photo 1 : Ces hommes aimaient à faire le mal en pendant, tuant, et coupant les têtes d’autrui. Alors en enfer, ils sont, pendus, tués et ont la tête coupée. Dès qu’ils reprennent vie ou connaissance, leur supplice reprend, et cela jusqu’à l’achèvement de leur mauvais Karma.

Photo 2 : Ces hommes aimaient conduire les animaux à l’abattoir. (เปรตที่ชอบนำสัตว์เป็นมาเข่นฆ่า). Dans le Bouddhisme il est interdit de tuer les animaux. C’est pourquoi en Thaïlande, les bouchers sont très souvent d’origine musulmane ou Vietnamienne.

Donc, pour avoir tué des animaux, des bourreaux armés de toutes sortes d’armes en fer rouges d’où jaillissent des flammes frappent et déchirent les entrailles de ces damnés qui endurent alors d’intolérables souffrances qui ne cesseront qu’à la fin de leur mauvais karma.

Photo 3 : Il ne fait aucun doute, en découvrant ce supplice, que cette damnée a passé sa vie dans la luxure et qu’elle a compté fleurette à plus d’un homme, à moins que ce fut le contraire ?!... Toujours est-il qu’elle est punie par où elle a péché ; et qu’elle aussi ne connaîtra la fin de ses souffrances qu’au complet épuisement de son mauvais karma.

Ce type de scène se retrouve dans de nombreux jardins des enfers.

 

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Photo 1 : L’état d’un damné d’aujourd’hui en enfer, qui sur terre a été un toxicomane et qui a causé mille et un ennuis à son entourage. Un damné d’aujourd’hui bien évidemment, parce que la seringue au XIIIe siècle (Le siècle de la description des enfers dans les trois mondes) restait à inventer ?!... Un rudiment de seringue, créé par un docteur italien, n’apparaitra qu’au … XVIe siècle ?!...  (Photo du 15.07.2018)

Photo 2 : La punition réservée à ceux qui ont péché en tuant pour cacher un acte méprisable. (Photo du 15.07.2018)

Photo 3 : La présente scène se rapporte à l’enfer Simbali (*) c’est-à-dire à l’enfer réservé à ceux qui ont commis l’adultère. L’enfer Simbali est couvert d’une forêt de kapokiers (**). En cet enfer, les coupables d’adultère sont condamnés à poursuivre inlassablement un ou une partenaire selon leur sexe. Pour cela ils doivent grimper et descendre sans relâche le long d’un tronc de ‘’Kapokier‘’ dont la particularité est d’être couvert d’épines. En bas de l’arbre, les damnés sont attaqués par des chiens, ce qui les oblige à grimper pour éviter les morsures et rejoindre le ou la partenaire juché(e) tout en haut de l’arbre, mais tout en haut de l’arbre ce sont des oiseaux de proie qui harcèlent le ou la damné (e) ce qui le, ou la, contraint à descendre. Cerise sur le gâteau, les épines rebiquent vers le bas lors de la montée, et vers le haut pendant la descente. Ce manège qui consiste à rejoindre un, ou une, partenaire, inatteignable, durera jusqu’à la fin du mauvais karma du damné.

 

(*) le Simbali est l’enfer où le Kapokier est roi, mais comme les rencontres extra conjugales sont apparemment très nombreuses sous le ciel de Thaïlande, le 13e et 14e enfer secondaire du grand enfer Sañjiva, le Saṅghata et l’Avaṃsira, accueillent aussi les pécheurs de ce type. De ce fait, si ceux qui ont commis l’adultère sont nombreux, qu’ils se rassurent les places ne manquent pas, qu’il y ait ou non des kapokiers.

(**) Le kapokier, ou plutôt le Kapokier rouge est en fait un ‘’Bombax ceiba Lin‘’. Une espèce typiquement asiatique et australasienne qu’il ne faut pas confondre avec le Kapokier à fleurs blanches ou ‘’Ceiba pentandra‘’ qui lui est une espèce d’Afrique et d’Amérique centrale. Ces deux types d’arbres ont le tronc couvert d’épines et peuvent atteindre des hauteurs avoisinant les 30 ou 40 mètres. Ce qui pourrait signifier que les africains et les américains n’ont qu’à bien se tenir contrairement aux européens où il n’y a pas, en Europe, de kapokier tant à fleurs rouges que blanches ?! …

 

Les écoliers, voire les lycéens n’ont pas été oubliés dans ce jardin des enfers. Et gare à ceux qui se comportent en mauvais élèves ?! … Jugez plutôt.

 

 

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Photo 1 : Une classe studieuse où chacun écoute attentivement les paroles des professeurs, sinon gare !...

Photo 2 : … Gare au sort réservé aux mauvais élèves. Ils sont pendus au moyen de esses comme le boucher pend ses quartiers de viande.

Photo 3 : La classe travaille mais chacun sait ce qui l’attend au cas où ?!... D’autant que ‘’phi krasue‘’ attend son heure. Mais qui est, et où est ‘’Phi Krasue‘’.

Lisez plutôt :  ‘’phi krasue‘’ (ผีกระสือ) est cette tête suspendue qu’on voit sur la photo et au-dessous de la quelle pendent des entrailles. (Phi kasu au Laos et au Lanna)

‘’Phi krasue‘’ apparait à ses victimes, tout à la fois sous les traits d’une sorcière ou d’une femme séduisante, selon les besoins de la situation. En général, à la nuit tombée, la femme possédée par ce ‘’phi‘’ à la tête et ses entrailles qui se détachent de son corps et qui prennent la voie des airs en quête de nourriture. Phi Krasue s’alimente en ingurgitant les aliments les plus impurs qui soient mais, elle affectionne tout particulièrement les nouveaux nés ?! donc de la chair fraîche et à défaut de bébés, des écoliers peuvent – peut-être – faire l’affaire ?! … Comment ne pas bien travailler avec de telles …raisons ou pressions ?! …

Le pendant masculin de Phi krasue n’est autre que ‘’Phi Krahang‘’ (ผีกระหัง) ou ‘’Phi Krahaang‘’ (ผีกระหาง). Ce phi au torse nu vêtu, seulement d’un sarong et à cheval sur un pilon à riz, vole la nuit au moyen de deux larges plateaux à riz qui lui servent d’ailes. Mais tandis que ‘’Phi Krahang‘’ appartient au folklore de l’Isan, ‘’Phi krasue‘’ relève de celui du Siam.

 

Au Lanna il existe aussi un Phi qui se nourrit d’aliments impurs comme des grenouilles, des excréments, des cadavres et du placenta, c’est ‘’Phi Phong‘’(ผีโพง) ou ‘’Phi Pong‘’ (ผีโป่ง). Son signe particulier est d’avoir des narines lumineuses. Comme il serait craintif il ne fait pas vraiment peur, mais s’il vous touche, même par inadvertance et si en vous parlant un ‘’postillon‘’ vous atteind  … la mort va vous cueillir dans les jours qui suivent.

C’est sans doute à cause de son caractère craintif que ‘’phi krasue‘’ lui a été préférée pour mettre la pression sur les écoliers. ‘’Phi Phong‘’ aurait un équivalent en Isan qui porterait le nom de ‘’Phi Phao‘’ (ผีเป้า).

 

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Photo WMN 082 – 083

Photo 1 : Un dessin de ‘’Phi Krasue‘’ (ผีกระสือ)

Photo 2 : Une représentation de ‘’Phi Krahang‘’ (ผีกระหัง)

 

Un jardin des enfers sans un chaudron ne serait pas un jardin des enfers. Le cinquième enfer annexe, celui qui porte le nom de ‘’Lohakumbhi et qui signifie ‘’marmite de fer‘’ en possède un. Ce chaudron ou cette marmite en fer rouge contient du fer en fusion dans lequel sont plongés la tête la première tous ceux qui ont frappé des moines et des brahmanes qui observaient les préceptes.

 

Non seulement il faut suivre les préceptes, mais respecter au plus haut point ceux qui sont censés suivre les préceptes !...

 

 

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Photo 1 : Une file de damnés se dirigeant vers le chaudron de fer en fusion pour que ceux qui la compose se libèrent de leur mauvais karma. Une libération qui prendra, au bas mot, des millions d’années de souffrances.

Photo 2 : L’un des nombreux chaudrons, ou l’une des nombreuses marmites, ou sont conduits nombre de damnés. 

Photo 3 : Ainsi finissent, et renaissent, pour re-finir et re-renaître etc… etc…  tous ceux qui ont tué des canards, des poulets, des porcs et des bœufs. Pour les bouddhistes la vie des animaux est sacrée. 

 

Avec le temps la mécanisation a investi les enfers, et les techniques à l’origine des supplices se sont améliorées.

 

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Bref les scènes décrivant les atrocités dont sont victimes les damnés ne manquent pas. Alors jetons un dernier regard sur l’espace réservé aux femmes victimes d’elle-même ou de la lâcheté d’un compagnon.

Depuis l’ouverture de ce jardin et à l’intérieur de cet espace, il aurait été retrouvé des bébés … abandonnés ?!... 

 

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Photo 1 : La punition de cette femme est de mettre au monde un enfant et de le manger, puis de le remettre au monde et de le re-manger etc … etc… (ลูกกตัญญูที่ทดแทนพระคุณของแม่)

Photo 2 : La prise de médicaments n’empêche pas les bébés qui n’ont pu naître à verser des larmes. La damnée qui s’est faite avortée a commis un péché.

Photo 3 : L’avortement est un péché, car quand on tue un enfant, c’est porté atteinte à la vie. C’est donc un péché.

 

 

Certaines de ces scènes sont nées de l’imagination de Phra Kru Vishan Jalikon, le supérieur du Wat, alors que d’autres ont été inspirées par les textes sacrés ou par des scènes figurant dans des enfers créés par des collègues. Mais toutes ces créations sont l’œuvre de l’artiste local Anucha Kanil ou Anoucha Kanil et de ses collaborateurs. Celui-là même qui a peint les fresques de la grande sala.

 

Ce peintre et sculpteur doit aussi être le créateur des personnages qui s’alignent derrière la grande sala. Il m’a même semblé qu’il y aurait un atelier de sculpture. Quoiqu’il en soit, rien ne coûte au visiteur d’aller voir ce qui se passe derrière cette grande sala, d’autant que l’atmosphère qui y règne, est à l’opposée de celle des enfers.

 

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Photo 1 : Un lutteur Shan à l’entrainement.

Photo 2 : Un couple de commerçants.

Photo 3 : Un soldat Shan protégé par ses tatouages.

 

 

Le conseil du rédacteur du présent texte :

 

Comme le montre certaines photos, les scènes ne manquent ni de violence et ni de réalisme, et encore m’a-t-on dit, quelques fidèles seraient intervenus pour que certaines d’entre elles, plus proche du mauvais goût et d’une complaisance malsaine, selon leur avis, soient ‘’corrigées‘’ pour être moins traumatisantes pour les enfants. Car ce parc est ouvert aux enfants, et sans limite d’âge ?! …

 

De ce fait si des visiteurs viennent en famille, ce n’est pas faire preuve de pudibonderie que de leur conseiller qu’un parent aille d’abord jeter un œil pour juger si leur enfant peut entrer ou non, dans ce dédale de scènes infernales et traumatisantes pour certains esprits.  

 

 

Deux autres jardins des enfers près de Chiang-Mai :

 

Le Wat Mae Takhrai (วัดแม่ตะไคร้)

 

Aux abords de ce Wat Shan d’ethnie Thaï Yaï, niché tout à la fois en montagne et au beau milieu d’une grande plaine, s’élèvent deux gigantesques statues de Luang Pou Thuat Yiap Nam Thale Jüt dit :

 

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                                    Luang Pu Thuat (หลวงปู่ทวด) (1582-1682.)

                                                 (Photos du 02.09.2018)

La plus haute le représente en pied sur un piédestal en rapport avec l’œuvre, et la seconde, se résume à une tête de plus d’un mètre de haut, qui repose sur un autel. Le fidèle est en mesure de la couvrir de petites feuilles d’or afin d’obtenir des mérites, voire plus ?! …

 

Le Wat Mae Takhrai est aussi connu pour son jardin des enfers. Un jardin plutôt bon-enfant et très comme il faut. Pas de sexe, et pour cause, les bourreaux comme les damnés sont revêtus d’un pagne qui cache ce qu’on ne saurait voir, et ce qui, cependant, il faut bien le reconnaître, est à l’origine de bien des … péchés ?!... tout du moins selon la gent ecclésiastique ?! ...

Là, les enfants ne seront pas … traumatisés.

 

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Photo 1 : Au beau milieu d’une prairie entourée de montagnes, quatre prêtas, dont le mensonge a dû les conduire là où ils sont, accueillent les visiteurs. Ils sont bien sur eux-mêmes et, comme diraient les enfants … ‘’même pas peur ! ...‘’. Ils donnent en effet, à leur manière, le ton du jardin qui se résume aux quelques scènes ‘’bon genre‘’ qu’on aperçoit derrière eux. (Photo du 02.09.2018)

Photo 2 : la visite commence, ou se poursuit, par l’ultime grand voyage de celui qui quitte notre bas monde. Son corps est dans le cercueil et les quatre moines le visage caché par leur talabat récitent l’Abhidhamma. (Photo du 02.09.2018)

Photo 3 : Le défunt, ou plutôt son esprit ?!... se retrouve ensuite devant le terrible Yamaraja, à l’air plutôt sympathique, qui va décider de son sort. (Photo du 02.09.2018)

 

Le panorama et les routes en lacet, pour ceux qui aiment, méritent le déplacement. Le temple et son enfer ne sera qu’un petit plus. A noter la présence de statues d’ermites ou ‘’reusis‘’ qui semblent indiquer que le bouddhisme fait encore bon ménage avec un animiste qui est loin de s’être éteint. Chassez le naturel et il revient au galop !... 

 

Pour vous rendre au Wat Mae Takhraï, prendre le départ au pont Nawarat et allez droit devant vous, en direction de San Kamphaeng. Vous serez alors sur la route Nationale n° 1006. Ne la quittez sous aucun prétexte, et méfiez-vous à la fin de San Kamphaeng, la route aboutie sur un ‘’Y ‘’. Prenez la voie de gauche, même si vous pensez que la 1006 continue sur la droite. C’est tout le contraire, la 1006 se poursuit sur la gauche. Vous n’aurez d’ailleurs pas d’indication sur un long parcourt. Après avoir traversé la nationale n° 1317, (une quatre voies), la 1006 n’aura plus que deux voies mais en très bon état. A la suite d’une série de lacets vous allez tomber sur la nationale n° 1230. Tournez à gauche et très vite vous apercevrez sur votre gauche la statue de Luang Pu Thuat, et serez alors à 127 kilomètres de Chiang-Mai. Bien faire le plein avant de partir, pour vous éviter quelques désagréments car les stations-services ne courent pas les routes … surtout en lacet ?! ...

 

 

Le Wat Mae It ou Mae Ead (วัดแม่อีด)

 

 

Les grottes de Chiang-Dao éclipsent quelque peu les Wats alentours, dont le Wat Mae It qui lui aussi est un Wat Chan d’ethnie Taï Yaï. La grande statue de Phra Upahut qui s’élève à l’extrémité d’une agréable cour gazonnée suffit pour s’en convaincre.

 

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L’une des particularités de ce Wat est d’avoir un viharn ouvert à tous vents, et sur l’un des côtés de son petit pré carré, une suite de scènes se rapportant aux supplices subit en enfer ; des scènes qui n’effraient que les plus timorés. Autrement écrit, gare à vous si vous mentez, si vous tuez des animaux ou, au pire, si vous allez voir ailleurs ce que vous avez chez-vous pour satisfaire votre libido. Cependant, si vous n’avez contracté aucun lien de fidélité tout semble permis au plus dévergondé et dévergondée. Bref la vie en enfer n’est pas aussi terrible, au Wat It, que ce qu’en disent les textes. De quoi perdre son … latin quand on a vu l’enfer du Wat Mae Kaet Noi.

 

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Photo 1 : Une vue générale de la suite des scènes d’enfer du Wat Mae It.

Là encore il y a quatre grands prêtas, deux hommes et deux femmes faméliques dont l’une a dû beaucoup mentir compte tenu de la longueur de sa langue et l’autre péché par coquetterie excessive étant donné sa chevelure et ses faux ongles.

Puis devant le viharn ouvert à tous vents une dizaine de scènes se succèdent. (Photo du 03.09.2018)

Photo 2 : Ces damnés, avec sur les épaules une tête d’animal, ont été des tueurs d’animaux et subissent de ce fait les tourments qui s’y rapportent, et qui entre nous ne sont pas si terribles que cela, sauf – peut-être - pour le tueur en arrière-plan dont les viscères constituent un plat de choix pour l’oiseau de proie qui s’en repaît. (Photo du 03.09.2018).

Photo 3 : Dans cette scène consacrée aux menteurs, certains damnés ont la langue arrachée, tandis que d’autres doivent ingurgiter du fer en fusion. Il y a bien un chaudron, mais aucun damné n’y a été plongé. Il doit servir à remplir les louches des bourreaux qui n’ont pas l’air aussi terribles que les textes le disent. Quant aux damnés ils ont l’air d’accepter leurs supplices avec résignation !... alors comme disait Ruy Blas … ‘’bon appétit messieurs‘’ car la soupe ne manque pas. (Photo du 03.09.2018)

 

Pour vous rendre au Wat Mae It ou Mae Ead, prendre le départ à la porte Chang Phuak et allez droit devant vous, en direction de Mae Rim, Mae Taeng et Chiang-Dao. Vous serez alors sur la route Nationale n° 107. Après quelques 70 à 75 kilomètres, Chiang-Dao est indiqué sur votre droite, c’est la nationale n° 1359. Cette rue traverse Chiang-Dao. Après avoir roulé un bon kilomètre ou deux, sur votre gauche, soï 25 ou 27, un panneau indique la direction à prendre pour aller aux grottes. C’est aussi dans cette direction que vous trouverez, très rapidement, sur votre droite le Wat Mae It. Vous serez alors à 78 kilomètres de Chiang-Mai. Inutile de préciser que vous pouvez grouper la visite des grottes avec celle de ce Wat, voire quelques autres qui sont tous fortement teintés de la culture Shan, ce qui n’est pas le cas de tous les Wats de Chiang-Mai.

 

 

‘’Résumé‘’ des … ‘’événements‘’ qui ont conduit à la création des jardins des enfers :

 

Avant le XIIIe siècle :

Depuis la nuit des temps, lorsque des individus se groupent et de ce fait forment une meute, un troupeau ou une société, deux types d’individus se font jour en son sein, les dominés et les dominants.

 

L’un des dominants, plus fort ou plus malin que les autres, va alors prendre la tête des dominants et, souvent avec le concours de quelques dominants thuriféraires, va imposer son pouvoir et sa loi par la force ou tout autre moyen, comme par exemple l’exploitation de la peur et de la crédulité pour ne citer que ces deux-là.

 

Au cours des millénaires les superstitions et les croyances ont donné naissance à des rites, à des cultes et à des religions ; cela pour répondre aux craintes des uns, mais aussi à un besoin de spiritualité des autres.

 

Après le XIIIe siècle :

Le sujet de ce résumé n’est pas de savoir si ces religions en général, et le Bouddhisme en particulier, conduisent ou non au salut de chacun mais, de mettre en évidence comment, par le biais des commandements ou des préceptes ces religions, et plus précisément le bouddhisme a assujetti nombre d’individus à vivre en conformité avec un ordre temporel présenté comme étant l’ordre cosmique universel, garanti alors par un roi, qui portait le titre de Chakravartin c’est-à-dire de roi universel.

 

Cet ordre cosmique devait être respecté par chacun, le moindre écart était voué à la géhenne du feu. De ce fait, la personne qui se conformait à l’ordre en vigueur ‘’améliorait‘’ son karma, tandis que celle qui vivait selon son bon plaisir, et surtout sans respecter l’ordre établi, ‘’entachait‘’ son karma, et le corrompait carrément.

 

Autrement écrit, chacun sur terre a le karma, c’est-à-dire la vie, qu’il mérite. L’idéologie bouddhique est des plus simples pour ne pas écrire des plus simplistes : Tout acte méritoire est récompensé, tandis que tout acte déméritoire est puni ; alors pour éviter les tourments des enfers il suffit que les actes méritoires l’emportent sur les actes déméritoires.

 

Lorsque le bouddhisme s’est implanté au Lanna comme au Siam, les fidèles ne connaissaient du Dharma que ce que les moines leur en disaient. L’oralité prévalait alors sur l’écrit ou les ‘’choses‘’ vues ; autrement dit, les paroles étaient suffisantes pour que dans les villages, en particulier, et dans le royaume, en général, le peuple se conduisent au mieux.

 

De ce fait, les fidèles subvenaient alors aux besoins des moines, et les moines répondaient à leurs diverses demandes. (Protection des récoltes, bénédictions des naissances, des mariages etc…). Et à la tête du royaume, le monarque, quant à lui, incarnait la figure d’un dieu-roi. Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes.

 

Après le XVIIIe siècle :

Puis vers le milieu du XVIIIe siècle ce système s’effondra, au Lanna avec la fin de l’occupation Birmane et au Siam avec la chute d’Ayutthaya.

 

Lors de ces années-là, les fidèles, avant de penser à leur salut n’avaient d’autres idées en tête que de chercher les moyens de survivre en faisant fi de toute morale. Car la situation était telle que les moines étaient acculés à cultiver leur propre riz … du jamais vu de mémoire d’homme ?! ...

 

Cette décadence morale fut suivie d’une crise d’autorité qui n’a rien arrangé. Alors un ordre nouveau allait s’imposer. Le dieu-roi laissa sa place à un Dharmaraja, c’est-à-dire à un roi du Dharma ou un roi bouddhiste … juste.

 

Par les armes, Phra Phutthayotfa Chulalok dit Rama Ier, roi de 1782 à 1809, va faire taire ses rivaux, et avec le dharma, ce Dharmaraja va ramener au bercail ses sujets, ou plutôt ses fidèles. L’un des moyens pour y parvenir a été la réécriture, voire – peut-être – la modification des textes, détruits lors du sac d’Ayutthaya, (*) et l’utilisation de l’image ; à savoir la réalisation de peintures murales sur les murs des Wats, se rapportant aux tourments endurés par les damnés peuplant les enfers.

 

Faire peur au bon peuple pour se le rallier, a toujours porté ses fruits !...

 

Donc, c’est à cette époque, au Siam, que l’image commença à prendre le pas sur la parole. C’est aussi sous le règne de Rama Ier que se développa les éditions de samut Koï sur lesquels des scènes d’enfer étaient peintes. (*)

(*) Entre autres réécritures, en 1788 Rama Ier fit réunir un ‘’grand conseil‘’ pour ‘’réviser‘’ le Tripitaka. (Le tripitaka ou les trois corbeilles regroupent les textes fondateurs du Bouddhisme ?! …). En 1804 Rama Ier fait paraitre ‘’les Lois des trois sceaux‘’, des lois nouvelles qui remplacent les précédentes lois, jugées obsolètes.

(**) (L’offrande d’un samut Koi à un temple donnait des mérites – à croire qu’en ces temps tumultueux, beaucoup avait à se faire pardonner ?!...)

 

C’est aussi à cette époque qu’au Lanna, toujours un peu en décalage social et culturel avec le Siam comme aujourd’hui l’Europe l’est avec les Etats-Unis, que fut traduit en langue du royaume, le ‘’Kam muang‘’ le ‘’Maleyyadevattheravattu‘’ qui à l’occasion fut titré ‘’T’hika Malay‘’.

 

Concernant ces terres lointaines, qu’étaient le Lanna et L’Isan, Rama Ier, pour affirmer son pouvoir et aussi protéger Bangkok, car il aurait été très superstitieux, fit transporter dans sa capitale quelques-unes des images de Bouddha chères aux indigènes de ces régions, et cela à leur grande désapprobation. (*)

(*) Rama Ier fit apporter au Wat Chettuphon Wimon Manglaram Ratcha Woramaha Wihan, plus connu sous le nom de Wat Pho, le Wat de l’arbre de la Bodhi venant de ceylan, plus de 400 images de Bouddha dont la plupart venait d’Ayutthaya, mais aussi de grandes villes de provinces.  Ses successeurs feront de même, mais les images seront en moins grand nombre. 

 

Sous Rama III, qui régna de 1824 à 1851, certaines de ces scènes infernales, comme au Wat Phra Keaw, furent recouvertes par d’autres peintures dont les sujets ne se rapportaient plus aux enfers. Signe que le bon ordre semblait revenu. Cependant il en resta suffisamment pour que Anna Leonowens, l’institutrice des enfants de Rama IV, en parlât dans ses souvenirs.

 

Rama IV, qui lui régna de 1851 à 1868, ouvrit son royaume aux puissances occidentales en posant les bases d’une ère de modernisation. Ce que le sangha vit d’un mauvais œil, d’autant que dès 1852 les missionnaires français furent aimablement reçus par ce roi, (*) et que de conserve avec les protestants ils prêchaient une autre possibilité de salut.

C’était alors, sans aucun doute, un tsunami de dépravations qui s’abattait sur le Siam et allait emporter le Dharma prôné lui, par Bouddha. 

 

(*) malgré la réelle amitié entre Rama IV et Mgr Pellegoix il fut interdit un temps durant, aux missionnaires, d’imprimer leurs textes de … ‘’propagande‘’ en utilisant le siamois. Par ailleurs, ni les pasteurs américains et ni Mgr Pellegoix n’ont converti Rama IV qui, en leur témoignant de la sympathie, ne faisait que ‘’s’intéresser‘’ aux idées occidentales ; le bouddhisme n’a donc pas été ‘’atteint‘’ par la dite … liberté religieuse.

 

 

Rama V (1868-1910), quant à lui, va retirer aux moines l’exclusivité de l’éducation pour poser les bases d’une instruction publique à l’échelon du royaume. Ce qui va faire dire aux moines, bien qu’il y n’eût aucune rupture entre le sacré et le séculier, que l’abandon de leur rôle d’éducateur, que la plupart avait conservé, a permis à l’amoralité d’avoir prise sur la jeunesse, dont le matérialiste occidental avait déjà transformé et bouleversé les esprits ?! ...

 

A la fin de la seconde guerre mondiale, pour pallier une pratique religieuse que les moines jugeaient insuffisante, est apparue une initiative ayant pour objet le ‘’commerce‘’, au propre et au figuré, d’affiches relatives aux enfers. Le fidèle achetait ces images et en faisait don au temple ce qui lui donnait, là-encore, des mérites. Le temple, de son côté, les affichait dans le but d’encourager les pratiquants dans leur mode de vie, de ‘’réveiller‘’ … les tièdes, voire faire peur aux impies pour les ramener au dharma, c’est-à-dire au temple et … à la pratique du don. Les moines vivent des dons des fidèles ; de ce fait, une baisse de fidèles se caractérise par une baisse des dons ?! ...

 

Un peu avant les années 1970, un nouveau phénomène allait aggraver la pratique religieuse, et les … donations, à savoir l’émergence d’une classe moyenne puis d’une jeunesse qui tout d’un coup va disposer d’un salaire, et par voie de conséquence d’une certaine autonomie. A Bangkok, beaucoup de jeunes à l’époque venaient des provinces sans avoir d’attaches familiales dans cette ville. Ils étaient donc livrés à eux-mêmes ?!...

 

Durant ces années-là, les exportations du pays augmentaient en moyenne de 10% par an. Il y avait alors un besoin de main d’œuvre, que les jeunes allaient combler, moyennant salaire. Mais au lieu d’utiliser leur argent en bon bouddhiste, ils allaient d’abord acquérir des biens de consommations qui allaient … distendre leurs liens avec le temple mais, beaucoup plus par inconscience que par volonté délibéré. Le thaïlandais est très attaché à ses valeurs traditionnelles mais ne dédaigne ni la mobylette et ni le téléviseur. (*)

(*) La Thaïlande fut le premier pays d’Asie du Sud-Est à adopter la télévision. La première télédiffusion eut lieu le 24 juin 1955. Depuis la déclaration de la monarchie constitutionnelle, le 24 Juin est une date sacrée en Thaïlande. 

 

Pour tenter de ramener à eux cette population au bord du précipite, selon le sangha, la sempiternelle idée d’effrayer le mauvais fidèle refit surface, et de ce fait, les premiers jardins des enfers firent leur apparition sans faire dans la dentelle … pour certains d’entre eux ?! ...

 

Ce … ‘’résumé‘’ en forme d’analyse n’engage que son auteur, bien évidemment.

 

Pour ceux qui s’intéresseraient à ces enfers, en voici ci-dessous une liste non exhaustive :

(01) Ang Thong (Wat Muang - วัดม่วง) – (02) Ayutthaya (Wat Kaï - วัดไก่) – (03) Chayaphum (Wat Phra That Nong Sam Muen - วัดพระธาตุหนองสามหมื่น) – (04) Chiang-Mai (Wat Mae Takrai – วัดแม่ตะไคร้) -  (05) Chiang-Mai (Mae Kaet Noi - วัดแม่แก้ดน้อย) -  (06) Chiang-Rai (Wat Rong Khun - วัดร่องขุ่น) – (07) Chonburi (Wat Saen Suk - วัดแสนสุข) – (08) Chumphon (Wat Kaew Prasert - วัดแก้วประเสริฐ) – (09) Khon Kaen (Wat Thung Setthi - วัดทุ่งเศรษฐี) – (10) Nakhon Ratchasima (Wat Pa Lak Roy - วัดป่าหลักร้อย) – (11) Nan (Wat Phumin - วัดภูมินทร์) – (12) Pathum Thani (Wat Phut Udom - วัดพืชอุดม) – (13) Phang Nga (Wat Tham Ta Pan - วัดถ้ำตาปาน) – (14) Phayao (Wat Si Khom Kham – วัดศรีโคมคำ ou Wat Phra Chao Ton Luang – วัดพระเจ้าตนหลวง) – (15) Phichit (Wat Mai Plai Huai - วัดใหม่ปลายห้วย) – (16) Phrae (Wat Phra That Chom Chaeng – วัดพระธาตุจอมแจ้ง) – (17) Phrae (Ban Klang) (Wat Khum Khrong Tham - วัดคุ้มครองธรรม) – (18) Roi Et (Wat Ban Non Sawan - วัดบ้านโนนสวรรค์) – (19) Roi Et (Wat Pa Non Sawan - วัดป่าโนนสวรรค์) – (20) Roi Et (Wat Pa Thewapithak Pracha Bamrung – วัดป่าเทวาพิทักษ์ประชาบำรุง) – (21) Saraburi (Wat Yai - วัดใหญ่) – (22) Songkhla (Wat Tha Meru - วัดท่าเมรุ) – (23) Sisaket (Prasat Sa Kamphaeng Yai - วัดสระกำแพงใหญ่) – (24) Sukhothai (Wat Thawet - วัดเตว็ด ) – (25) Suphanburi (Wat Phai Rong Wua - วัดไผ่โรงวัว) – (26) Suphanburi (Wat phra loy – วัดพระลอย) – (27) Surat Thani (Wat Wang Wiwekaram - วัดวังก์วิเวการาม) -  (28) Udon Thani (Wat Ban Waeng / Wat Pho Chair Si Ban Phue – วัดโพธิ์ชัยศรี บ้านผือ - Wat Luang Por Nak - วัดหลวงพ่อนาค).

 

Bonne visite, et si vous passez du côté de Roi Et, faite une halte au Wat Pa Non Sawan – (วัดป่าโนนสวรรค์).

 

REMERCIEMENTS :

Outre la BNF Gallica et Persée,

Cette chronique a bénéficié du concours de :

M. Hak Hakanson, du professeur Somchot Ongsakul, l’USAF Pentagon AF-HO Mailbox AFHSO, pour les informations concernant la 2è guerre mondiale à Chiang-Mai.

De madame l’archiviste de Payap Université.

De Anatole Peltier pour ses informations générales et son excellente connaissance de Chiang-Mai.

Et de Eric T., qui ne veut pas que je donne son nom, pour sa précieuse collaboration.

 

Grands et mille Mercis à eux tous.

 

                                 Fait à Chiang-Mai et mis en ligne le 9 septembre 2018. 

 

  

                                                                              Jean de la Mainate.



10/09/2018
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